• 013. À chaque siècle, ses particularités : la Révolution et ses bouleversements

    Bien connue pour ses bouleversements radicaux, la période révolutionnaire risque de soumettre la patience des généalogistes à rude épreuve. Fini les actes d'état civil bien renseignés avec tables en fin de volume et tables décennales ! Fini les patronymes rigoureusement orthographiés ! Place aux officiers d'état civil choisis davantage en fonction de leurs convictions révolutionnaires que sur leurs compétences et leur adéquation au poste.

    Incompétences...

    Les curés d'Ancien Régime, d'abord déboussolés, ont bien essayé de se plier aux nouvelles directives mais avec difficulté comme le montrent des dates mélangeant l'année et le mois républicains mais conservant les noms des jours de la semaine du calendrier grégorien.

    Devant l'hostilité grandissante à leur égard, ils ont dû partir, vivre dans la clandestinité, une minorité s'est soumise. Un petit nombre s'est défroqué, les plus malchanceux ont été arrêtés, guillotinés. Dans ces conditions, ils n'ont évidemment pas formé leurs successeurs à leurs nouvelles tâches administratives !

    Ceux qui ont pris le maquis ont continué à administrer les sacrements de baptêmes et de mariages à leurs ouailles qui venaient discrètement à eux quand l'occasion s'en présentait. Le prêtre notait brièvement les actes tant bien que mal sur des billets compromettants qui sont parfois parvenus jusqu'à nous.

    Les greffiers communaux se débrouillaient comme ils pouvaient pour acter les déclarations de naissances et de décès et pour officialiser les mariages et les... divorces. Pas toujours facile d'improviser... On y décèle parfois des actes réjouissants : une dame enterrée un jour et inhumée le lendemain*, un défunt, fils de feu son père nommé dans l'acte, inhumé en présence de son père**. Un édile venu constater le décès d'un batelier qui a eu la peur de sa vie : il est monté sur le baquet, est descendu dans le baquet, a vu le mort dans le baquet, a constaté qu'il était bien mort dans son baquet, est sorti du baquet, a quitté le baquet... et on ne saura rien de plus que le nom du défunt !***  Parfois, ce sont les déclarants d'un décès, accompagnés de leurs témoins, qui invités à décliner leur qualité, disent tous "être mort" : ils s'étaient bien déplacés pour cela, non ? Bien conscients du problème, des solutions ont été tentées : actes type à recopier ou imprimés à compléter, avec des succès relatifs.

    Des mariages délocalisés

    Il a alors été décidé qu'à partir de l'an VI, les mariages qui rassemblaient la population villageoise se célèbreraient au chef-lieu de canton pour éviter qu'ils ne dégénèrent en manifestations hostiles. Cela ne dura que deux ans. Le premier problème est que le chef-lieu de canton de nos jours n'est plus forcément celui de la période révolutionnaire, surtout aux abords des villes. La seconde difficulté réside dans la tenue des actes : registre commun pour le chef-lieu et le reste du canton ou registres séparés ? Faut y penser.

    Divorces

    La loi du 2 septembre 1792 instaure le divorce en France. Simple proclamation d'un droit entériné par l'état civil, la rupture, mal étudiée, qui se voulait par consentement mutuel oscille entre répudiation et tentatives de conciliation par le conseil de famille. Trop d'abus et de désordres conduiront à la judiciarisation du divorce en 1804 et à la notion de faute.

    Chez les émigrés - et il suffisait parfois d'être le plus aisé du lieu pour avoir tout intérêt à se mettre à l'abri - le divorce permettait de transférer les biens sur l'épouse. Dans ce cas, la tourmente passée, le remariage a lieu.

    > http://fr.wikipedia.org/wiki/Divorce#En_France_2

    Défroqués

    Il n'est pas rare que des inconnus soient venus s'installer dans un village, y aient exercé des responsabilités, aient manifesté quelques ambitions, se soient éventuellement mariés et soient repartis à la fin de la Révolution. Il faut alors vérifier s'ils n'étaient pas des défroqués comme cet habitant de Masny  qui avait tendance à pratiquer le "ôte-toi de là que je m'y mette" si bien que, mal accepté par la population, il est allé chercher fortune ailleurs...

    > Archives municipales (non cotées) de Masny

    Un article, paru dans un bulletin généalogique, a attiré l'attention sur les religieuses chassées de leurs couvents qui se sont regroupées en discrètes petites communautés ou qui se sont mariées parfois avec des prêtres défroqués, ce que les actes d'état civil ne précisaient pas.

    Edward Hughes « Le devenir des religieuses de Douai après la suppression de leurs couvents en 1792 ». Publication du CEGD.

    Changement de nom !

    La loi du 6 fructidor an II stipule, entre autres dispositions que "Aucun citoyen ne pourra porter de nom ou de prénom autres que ceux exprimés dans son acte de naissance : ceux qui les auraient quittés seront tenus de les reprendre."

    Fini les fantaisies ! Ainsi Philippe, enfant naturel de Marie Anne DELATTRE, a été baptisé à Guînes en janvier 1768 sous le patronyme de sa mère. Il s'est marié en 1793 sous le nom de FORÊT et a eu deux enfants dans la foulée avant d'être contraint de reprendre son nom de naissance et d'avoir d'autres enfants. Les enfants de cette fratrie issus des mêmes père et mère portent donc un patronyme différent selon qu'ils sont nés avant ou après cette loi.

    Pour la petite histoire, deux généalogistes, habitués de la bibliothèque des "Amis du Vieux Calais" ont longtemps cherché l'un des FORÊT et l'autre des DELATTRE chacun de leur côté avant de réaliser qu'il s'agissait de leur ancêtre commun ! 

    Calendrier révolutionnaire

    Les noms des mois à la fois poétiques et évocateurs auraient pu plaire si les repères temporaux n'avaient pas été chamboulés. Une année qui commence fin septembre, un découpage mathématique du temps aboutissant à des jours complémentaires d'abord appelés appelés sans culottides et le repos passant d'un jour sur sept à un sur dix ne pouvaient que rencontrer des résistances de la part de gens qui n'avaient rien demandé de tel. 

    En tapant dans Google des mots clés tels que "calendrier révolution conversion" on accède à de nombreux sites permettant de s'y retrouver.

    > Wikipédia

    > http://www.poissons52.fr/histoire/revolution1789/calendrier_v.php

    Monnaies et système métrique, tout change !

    Les calamiteux assignats ont déboussolé une population de gens simple, incapables de lire la valeur inscrite et de distinguer un vrai d'un faux. La méfiance qui en a résulté a perturbé la vie économique. Il suffit de voir dans les archives notariales des billets versés à titre de paiement mais refusés par le créancier pour comprendre...

    La réforme du système des mesures a incontestablement été une simplification de nature à faciliter les échanges commerciaux et à réduire les erreurs comptables - qui n'étaient sans doute pas toujours involontaires - mais c'était exiger un effort et bouleverser les habitudes de nombreuses personnes qui n'en demandaient pas tant. L'ancien système, aussi peu commode que la division du temps en jours, heures, minutes et secondes qui confronte nos écoliers aux joies des conversions, convenait parfaitement à nos aïeux. Pour l'heure, ils se fiaient tout simplement au chant du coq, au bedeau qui sonnait les cloches pour les offices et au cadran solaire puisqu'on n'avait aucunement besoin de plus de précision.

     

    012. À chaque siècle, ses particularités : la Révolution et ses bouleversements

    http://www.hautehorlogerie.org/fr/encyclopedie/lexique-de-lhorlogerie/s/heure-decimale/

    012. À chaque siècle, ses particularités : la Révolution et ses bouleversements

    http://dev2007.arts-et-metiers.net/musee.php?P=52&id=101&lang=ang&flash=f&arc=1

    012. À chaque siècle, ses particularités : la Révolution et ses bouleversements

    http://forumamontres.forumactif.com/t25659-montre-revolutionnaire

     

    Mais le système duodécimal présentait l'avantage de partages faciles par 2, par 3 par 4 et par six qui tombaient toujours juste et du bonus par le "treize à la douzaine".

    Ajoutons à cela quelques mesures éphémères qui ont dû irriter la population puisqu'elles ne sont pas parvenues jusqu'à nous...

    Devenir propriétaire

    La vente à l'encan des biens du clergé et des émigrés a surtout profité aux bourgeois aisés, hommes de loi et arrivistes à l'affût de bonnes affaires. De nombreux paysans parviennent cependant à acquérir leur jardin, un lopin de terre, quitte éventuellement à s'arranger avec un frère ou un beau-frère.

    Accidents de carrière

    La fermeture des établissements religieux et la fuite des émigrés ont privé leur domesticité de leur gagne pain sans la moindre indemnisation. Pas assez fiables peut-être aux yeux des nouveaux maîtres...

    Il leur a fallu se reconvertir à la hâte : un garde des bois du duc de CROY n'a eu d'autre choix que de devenir "chasseur". Clairement, il a concurrencé les braconniers qu'il avait été chargé jusque là de traquer !

    La succession de sa veuve a fait apparaître qu'elle est décédée en un lieu introuvable, probablement sur une propriété du duc et qu'elle laissait un patrimoine inattendu. Reconnaissance pour des services rendus sans doute...

     

    12. À chaque siècle, ses particularités : la Révolution

     

    Indemnisations

    Suite à l'exécution du roi le 21 janvier 1793, une coalition de l'Angleterre, la Prusse, l'Autriche et l'Espagne se dirige vers Condé puis vers Valenciennes. La frontière est repoussée jusqu'à Werwick, Coutiches, Aniche, Ligny, Le Cateau et Maubeuge. Les coalisés renoncent à annexer le territoire conquis, préférant s'appuyer sur les anciens notables. Ils installent la "jointe", véritable junte militaire chargée d'administrer et de gérer la zone.

    C'est dans ces circonstances qu'Henri BLONDIAU voit son bateau réquisitionné. Il lui est rendu gravement endommagé et sans ses agrès. La perte est très lourde pour ce batelier qui réclame une indemnisation. Le processus commence immédiatement et il perçoit six semaines plus tard 600 florins Brabant, somme très inférieure au préjudice subi. Il se pourvoira en appel mais quatre mois plus tard, on lui fera "connoitre verbalement" qu'il n'est pas possible de lui accorder davantage. Huit mois plus tard, les "soldats de l'An II" feront tomber ce régime éphémère.

    > L 9049 & 9050 & 9053 aux AD59

    Des suspects...

    D'un endroit à un autre, selon les commissaires, la Révolution a été plus ou moins radicale. Dans le Calaisis, un père de famille aviné a seulement médité huit jours en prison sur son trop franc parler aux nouveaux maîtres.

    Mais à Vred, dans le Douaisis, une paysanne illettrée qui avait surtout le tort d'être née dans un autre village et d'être l'épouse d'un sergent garde d'abbaye (on ne s'y fait pas que des amis) a été désignée comme suspecte ainsi que ses deux enfants par un comité de surveillance qui exigeait son quota de réfractaires et d'ennemis de la République. Heureusement, une "fuite" leur a permis de se mettre à temps hors de portée du sort qui les attendait.

    À Condé-sur-l'Escaut, les suspects comparaissaient dans la chambre de l'hôtel de Croÿ devant un tribunal qui pouvait les expédier à l'échafaud dressé dans la cour. Le maire a réclamé la pose d'une planche pour protéger l'assistance des éclaboussures...

    Là où sévissait le terrible Joseph LEBON, personnage encore controversé, ils auraient eu encore beaucoup moins de chance.

    > http://fr.wikipedia.org/wiki/Joseph_Le_Bon

    Impasse avant la Révolution !

    Certains généalogistes tomberont sur un écueil supplémentaire : malgré toutes leurs recherches, ils ne parviennent pas à retrouver la moindre trace de leur famille dans les registres de baptêmes, mariages et sépultures d'Ancien Régime. Il est à craindre qu'il s'agisse de familles protestantes exclues auparavant des registres catholiques et qui réapparaissent dans ceux de la République. Cette situation est évidemment fréquente dans les villes où existaient des temples protestants et dans les villages alentour.

    Série L

    Compte tenu de la brièveté de la période et des bouleversements successifs, les documents concernant cette période ont été rassemblés en quasi totalité dans cette seule série L des Archives départementales. Des ventes et des affaires judiciaires peuvent cependant figurer dans les séries modernes.

    Les Archives municipales conservent souvent de forts intéressants documents relatifs à cette période.

    Momentanés ou définitifs, la Révolution a provoqué de tels bouleversements dans la vie de nos aïeux qu'il n'est pas superflu d'essayer de savoir comment ils ont traversé cette période.

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    * « L'an mil sept cent quatre vingt Douze le quatre an de la Liberté vingt Deux mai a été Enterrée à Vred polixine Carpentier […] laquelle je soussigné Curé de Vred a étée inhumée le jour suivant dans le cimetière de cette paroisse »

    ** Montigny-en-Ostrevant

    « Du quinzieme jour du mois de floreal l’an dixième de la République française.

    ACTE  DE  DÉCÈS de Charle Louis Cabbre  […] fil de feu jean louis cabre manouvrier et de marie joseph milon sur la déclaration à moi faite par le Citoyen philippe charle cabre  demeurant à montigny profession de manouvrier qui a dit être le père du défunt, … »

    *** Sainte-Catherine-les-Arras 

     


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