• Stade 1 : NMD, BMS, contrats de mariage,... Et après ?

    La généalogie est d’abord un loisir ludique. Commencée suivant le principe du jeu des 7 familles, elle finit fatalement en puzzle dont beaucoup de pièces resteront perdues.

    Ceci fait, le généalogiste ordinaire (97 % !!) se démène en tous sens dans l’espoir de grappiller encore quelques générations et de résoudre des cas épineux. Pourtant il aimerait, comme d’autres, remonter davantage… Il rage de constater que des fonds alléchants ne le concernent pas. De là à conclure que d’autres généalogistes sont plus chanceux que lui,…

    Ne pas s’enliser

    Parvenu à ce stade, soit il abandonne, soit définitivement "mordu", il rattache sans cesse de nouveaux personnages à sa collection qui devient tentaculaire, finissant par réaliser la généalogie de tout le village, de tous les porteurs d’un patronyme,... On en voit maints exemples sur GeneaNet et autres sites analogues. Pourtant, à condition d'être recadré et ordonné, c'est un travail utile qui mérite d'être publié.

    On voit aussi des données personnelles du XXe siècle immédiatement reprises par des généanautes qui s’autorisent à les rattacher à l'ami du cousin du frère de… etc… de leur aïeul. Tous les contributeurs n'apprécient pas d'être l'objet de cette récupération tous azimuts qui relève plus du fichage que de la généalogie.

    L’expérience montre que ce n’est pas le meilleur moyen pour compléter sa généalogie mais surtout n'est-ce pas perdre en cours de route la curiosité initiale envers « ceux qui nous ont précédés et qui ont fait de nous ce que nous sommes » ? Certes, chacun fait évoluer son projet à sa guise, il n'en demeure pas moins qu’il est peu rentable de consacrer autant de temps à établir de manière plus ou moins osée que le père de Jean qui vivait au XVe siècle se prénommait aussi Jean sans plus de précisions. Dommage... Il est incontestablement plus gratifiant de rassembler des informations inédites à partager en famille. Quelques exemples entre mille…

    De sympathiques trouvailles

    Un de mes cousins, octogénaire réfractaire à toute intrusion dans le passé familial, a été conquis quand il a su comment une de nos tantes a résolu ses démêlés avec l'Administration des Ponts & Chaussées en faisant démolir à ses frais un escalier sur la berge de la Scarpe que, quelques décennies auparavant, sa mère avait obtenu la permission de construire à ses frais également, affaire dont il avait vaguement eu l'écho dans sa jeunesse (141 J 129 aux AD59).

    La succession d’un cabaretier a révélé qu’il avait entreposé dans sa cour un impressionnant stock de pavés destinés à l’empierrage de la route de Condé vers Bonsecours. Sachant cela, on ne voit plus la chaussée du même œil (tabellion de Condé-sur-l’Escaut).

    044. Serendipité et Maraude

    Pourquoi et comment une lignée s'était-elle brutalement appauvrie au milieu du XVIIIe siècle ? La réponse a été trouvée dans le fonds de l'intendance du Hainaut : un terrible incendie avait ruiné la cense, provoquant la mort du fils de la maison, de plusieurs vaches et de quatre chevaux (équivalents de quatre tracteurs), obligeant le censier à solliciter une aide afin de poursuivre son bail (C 6613 aux AD59).

    Une amie a découvert que la jeune sœur d’une de ses aïeules, agressée en pleine campagne a été sauvée d’un viol certain par… le bourreau de Cambrai ! Brave homme quand même… Le coupable, un homme marié, a répondu de ses actes devant le juge de l’officialité de Cambrai (Cumulus RDC 020/23 aux AD59).

    Un de mes « cousins » a réalisé que le 7 janvier 1785 à 13 h 15 à Guînes, un de ses ancêtres (et de mes apparentés) a eu la stupéfaction de voir tomber du ciel Jean-Pierre BLANCHARD et John JEFFRIES qui venaient de réussir la première traversée de la Manche par les airs (http://www.archivespasdecalais.fr/Activites-culturelles/Un-document-a-l-honneur/La-premiere-traversee-de-la-Manche-par-les-airs).

    044. Serendipité et Maraude

    Auteur inconnu

    Quiconque compte un ancêtre ayant vécu en 1785 à Guînes ou aux environs peut aussi retenir l’évènement qui a dû faire sensation. Certes tout le monde n’a pas la chance de se découvrir un ancêtre, à défaut un collatéral, au détour de l’Histoire quoique… chacun a sa part de fortune et ses déceptions mais les uns ont voulu et su chercher, les autres non : comme au jeu, 100 % des gagnants ont joué !

    Stade 2 : en savoir plus…

    Les obstacles à la poursuite des recherches relèvent principalement de deux causes : une progression trop rapide et trop superficielle ne permettant pas l’acquisition de compétences minimales, de méthodes de travail efficaces et surtout la difficulté à passer d’une exploitation rassurante des actes à une démarche plus aléatoire.

    En effet, les travaux impulsés par les associations et le recours aux bons offices des forumeurs expérimentés aident incontestablement mais n’incitent pas à décrypter les écritures anciennes ni à déjouer les pièges de la syntaxe et les subtilités du vocabulaire. Nous avons ainsi vu une dame fréquenter assidument les Archives départementales du Nord pour se confectionner un arbre généalogique fort honorable sans jamais avoir consulté un original ! D’autres se font leur ripopée en toute discrétion derrière leur ordinateur.

    Erreur classique des débutants : on se réfère à l’original mais on se contente d’extraire de quoi remplir les cases du logiciel pour les seuls aïeux et on laisse tomber le reste. Aux premières difficultés, on pallie avec les actes notariés sans, partie généalogique exceptée, trop se soucier du contenu - trop long, trop compliqué - redoublant ainsi l’erreur. Et on passe au suivant.

    Mais comment approfondir la connaissance d’un individu, détecter de nouvelles pistes si on a délibérément ignoré le but de ces actes notariés et les éventuels codicilles qui apportent parfois de singuliers développements ?

    Un notaire a ainsi acté au bas d’un contrat de mariage que l’époux a demandé à le réexaminer. Il espérait y trouver une disposition prévoyant que son épouse, fraîchement veuve et qui n’avait pas attendu la fin du délai de viduité, pourrait être enceinte d’un enfant posthume. Il s’ensuivra sept années de tractations pour parvenir à un laborieux accord avec la famille du défunt qui se serait bien passée d’une héritière inattendue (J 1474/54 n° 129 aux AD59).

    Une mère célibataire, probablement à l’issue d’un procès, transige avec le géniteur de son enfant sur le dédommagement qu’il lui versera pour « défloration, frais de couches et dot ». Mais trois mois plus tard, les fonds seront retirés chez le notaire par… son mari. Même dévalorisée, une fille qui a des sous trouve un coureur de dot (tabellion de Douai).

    Plus amusant est le contrat de mariage d’un jeune homme à qui le notaire va d’abord donner du « LE COMTE » puis, après énumération des biens et consignation de clauses diverses, il conclura ironiquement par un « LE CONTE ». Quelques jours plus tard, le mariage consommé puis la dot versée par le père de son épouse, il ira la percevoir chez le notaire qui l’accueillera d’un très sérieux « LE COMPTE » (tabellion de Douai).

    Aller au-delà des actes de base nécessite donc, tel les princes de Serendip, de s’attacher au moindre détail pour cibler de nouvelles séries à explorer. Il faudra changer d'approche, remettre en cause des pratiques trop rudimentaires, accepter de dépouiller un fonds et de rester bredouille, se contenter d'un faisceau d'indices, admettre qu'un travail reste - longtemps - inachevé en attendant de mettre la main sur "la" preuve, le tout sans garantie de succès mais quelques bonnes surprises sont toujours au rendez-vous.

    … sur les individus lambda

    Tout aïeul est né, s’est dans la plupart des cas marié et souvent plusieurs fois et il est mort, laissant des traces certaines et relativement faciles à trouver et à exploiter mais ensuite, il est plus difficile à cerner. Pourtant il a probablement loué un terrain, acheté un bien même modeste, emprunté pour le payer ou pour régler des dettes criantes, des impôts, hérité,.. Il a cultivé une terre à la suite de son père ou de son beau-père. On effectuera donc des battues systématiques dans les séries concernées pour y marauder des actes.

    "Cherchez à qui appartient la terre !", c’est le conseil que Catherine DHÉRENT, archiviste, donnait aux généalogistes parvenus au terme de cette première étape.

    Remarquons au passage que les généalogies les plus anciennes ne reposaient pas sur des actes paroissiaux mais sur la transmission de possessions donnant droit à des titres représentés symboliquement sur des armoiries qui ne servaient pas à "faire joli" mais à identifier son propriétaire. On tenait une seigneurie d'un père, d'une mère, on appartenait à la maison de..., un ancêtre valeureux avait obtenu un fief en récompense, conclu un mariage avantageux,... c'est ainsi qu'on justifiait de ses droits. La dévolution d'une rente héritière - garantie sur un bien, faut-il le rappeler ? - procédait du même mécanisme.

    Les actes notariés traitant de l'occupation, de l'acquisition, de la vente et de la transmission de terres – avec une attention toute particulière sur le retrait par proxime –devront être systématiquement recherchés. Il en sera de même des rentes à commencer par leur constitution et qu'il faudra ensuite s'efforcer de suivre. On retiendra encore les titres cléricaux ou presbytéraux qui impliquent des garanties financières apportées par la famille.

    Une bonne part des actes d'échevinage apportent les mêmes renseignements et bien plus encore. On complète avec les terriers et dénombrement de fiefs, les cueilloirs de rentes, les fonds de l’Intendance,…

    Dans notre région, la terre appartenant pour environ 40 % à de riches établissements religieux, les séries G et H qui leur sont réservées sont à consulter en priorité. Mais pour les seigneuries, les archives, restées privées ou perdues notamment sous la Révolution, sont malheureusement plus rares.

    Les diverses circonscriptions administratives et religieuses d'Ancien Régime étant particulièrement complexes sans compter les enclaves, tous ces documents seront parfois trouvés dans des fonds auxquels on ne songerait pas de prime abord : le chapitre de Saint-Amé de Douai possédait la cense de La Prévôté en Anhiers et deux autres dans le Cambrésis et l'Armentiérois tandis qu'un des censiers de Waziers exploitait une ferme appartenant au Chapitre de Sainte-Croix d'Arras !

    Les litiges portant sur des questions d'intérêt étant particulièrement âpres et fréquents, les fonds judiciaires ne sont pas à négliger.

    Parfois on aura l’heureuse surprise de rencontrer une vieille connaissance qu’on ne s’attendait pas à rencontrer là.

    … sur les petits notables

    Certains individus ont joué un rôle au sein de leur communauté : échevins, mayeurs, sergents, baillis, etc… On cherchera à savoir comment ils y parvenaient, combien de temps et comment ils ont rempli leurs fonctions.

    Un échevin de Jemappes s’est ainsi occupé des décennies durant des intérêts des mineurs : remariage des veufs chargés d’enfants, fourmortures et comptes de tutelle des orphelins, autorisation de vente de biens leur appartenant, mise hors de pain ou émancipations,…

    Un sergent de Vred coursait dès le matin des chevaux, poulains et autres bestiaux qui pâturaient dans le marais pour les mettre en fourrière et coller une amende aux propriétaires, ce qui lui a certainement valu quelques solides inimitiés.

    La matrone, témoin privilégié des craintes, joies et déceptions tournant autour de la grossesse et de l’accouchement, était impuissante à sauver mère et enfant à la moindre complication. Confrontée aux désordres intimes, elle était l’auxiliaire du curé et de l’échevinage pour faire avouer les filles célibataires ou veuves afin que le contrôle des mœurs soit assuré ou pour évacuer discrètement un nouveau-né indésirable et sauvegarder la réputation de sa génitrice.

    Le maître batelier de la Navigation de Condé, fortement ancré à sa corporation, placé sous l’autorité directe de l’Intendant de Justice, Police et Finances du Hainaut, devait outre négocier avec lui, faire face aux aléas de ses voyages parfois épiques, aux exigences des marchands, au bon fonctionnement de la corporation et à la solidarité ente ses membres.

    On a quelque chance de constater que le mayeur a eu à traiter des affaires de la communauté, du sort des pauvres et des orphelins, à dresser l’assiette des impositions, satisfaire aux ordres du seigneur local et du pouvoir central,… et certainement à régler des litiges, parfois affronter la contestation de ses administrés,…

    Insulté publiquement, le mayeur de Masny, soutenu par le cabaretier et plusieurs témoins ou échevins, n’a pas hésité à porter plainte contre son diffamateur.

    Sur fond de conséquences des guerres, un mayeur de Waziers a été en butte des villageois et de quelques échevins mais plus encore d’une partie de sa famille et traduit en justice pour « folles dépenses de cabaret », lui qui, plein de bonne volonté, « ne vouloit point de proces ».

    … sur le cadre et le mode de vie

    Il faudra s'imprégner des modes de vie de ses aïeux, de leur rapport aux biens matériels, à la terre et à la maison familiales, à leurs stratégies matrimoniales, aux réseaux professionnels et sociaux, aux axes commerciaux et de déplacements, aux configurations particulières de certains villages, aux coutumes locales... Un solide sens de l'observation et quelques bons ouvrages sont alors d'une grande aide.

    On s’intéressera aux traditions locales qui rythmaient la vie des ancêtres et pour évoquer leur quotidien et leur environnement à travers objets et peintures, on visitera les musées régionaux. À celui de la verrerie de Sars-Poterie, on mesurera tout le savoir-faire de pauvres ouvriers qui profitaient des pauses pour réaliser des bibelots ou « bousillés », petites prouesses techniques, naïves et malicieuses, qu’ils offraient à leur compagne pour décorer leur maison et que les descendants conservaient précieusement en souvenir.

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    http://www.musenor.com/nl/Outils/Archives/Actualites-passees/Les-bousilles-l-art-du-detournement-les-creations-des-verriers-de-Sars-Poteries

    http://www.tourisme-nordpasdecalais.fr/une-campagne-authentique/a-la-campagne-en-avesnois/artisanat-art-et-savoir-faire/les-bousilles-un-art-populaire-peu-connu

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Mus%C3%A9e_du_verre_de_Sars-Poteries

    http://museeduverre.lenord.fr/fr/Accueil/Mus%C3%A9e.aspx

    Les fabriques de faïences ne manquaient pas dans le Nord Pas-de-Calais : Lille, Saint-Omer, Saint-Amand-les-Eaux, Desvres, Hesdin, Vron, Onnaing, Sorrus, Douai, Englefontaine, Ferrière, Aire sur la Lys, Boulogne-sur-Mer, Bailleul,… il en subsiste des objets raffinés ou humbles analogues à ceux qui étaient utilisés au quotidien.

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    Bol – Faïence rustique d’Aire sur la Lys (ou Saint-Omer).

    Tant d’autres aspects de la vie locale méritent d’être redécouverts : l’industrie du textile, le riche patrimoine minier classé au patrimoine de l’humanité, la culture de l’ail fumé d’Arleux, etc…

    Plus modestement, on peut se passionner pour les mairies, les églises, les bénitiers, fonts baptismaux et la statuaire pourvu qu’ils aient été contemporains de nos aïeux. Parfois, on aura le bonheur de rencontrer la trace de l’un d’eux…

    D’événement en monument, de tracas en incident, d’anecdote en objet de la vie quotidienne, par touches successives, c’est finalement toute la société d’autrefois qui défile à la fois semblable à la nôtre et tellement différente. Outre le cadre de vie de nos prédécesseurs, elle nous aide à mieux comprendre leur mentalité.

    On s’écarte de la généalogie ? Mais à quoi bon alors consacrer autant de temps à « ressusciter » un listing si c’est uniquement pour le revendiquer comme sien ? 

    … sur des événements exceptionnels

    Certains individus ont vécu des événements inattendus ou marquants, voire y ont participé activement. On mentionnera pour mémoire les épidémies de choléra de 1832 à 1866, les luttes de la classe ouvrière dont les révoltes d’Anzin dès 1833, la fusillade de Fourmies le 1er mai 1891, origine de la Fête du Travail, la catastrophe minière de Courrières en 1906, la guerre 1914-1918 et la grippe espagnole, les dommages de guerre,…

    Certaines périodes troublées méritent un approfondissement. La période révolutionnaire est à explorer par principe pour savoir comment le village ou la commune a traversé cette tourmente, quel retentissement elle a eu sur sa situation. Juste pour l’exemple, parmi mes seuls aïeux directs, j’ai trouvé trace de huit d’entre eux : un ménager qui a pu acquérir avec son beau-frère un terrain lors d’une vente à l’encan ; un batelier dont le bateau réquisitionné lui a été rendu en piteux état ; une batelière qui s’est associée avec d’autres pour constituer un pot commun afin de payer un soldat remplaçant au cas où leurs fils seraient victimes d’un fâcheux tirage au sort ; toute une famille qui s’est rebellée contre les gendarmes venus chercher leur fils et frère, soldat réfractaire ; le garde-chasse d’un duc devenu braconnier ; une paysanne et sa fille suspectées d’intelligence avec l’ennemi par des édiles paranoïaques et un éméché qui n’a pas craint de clamer aux nouveaux maîtres tout le mal qu’il pensait d’eux, le tout sans compter les mésaventures de leur proche parenté durant cette période ou peu après. C’est dire combien la Révolution a été fertile en incidents et en événements touchant une large fraction de la population.

    Mais où et comment trouver cela ?

    Hormis les musées et lieux de mémoire, ou on a la possibilité de fréquenter les sites d'archives ou on ne l'a pas ! Les premiers ont de riches perspectives, les seconds aussi mais ils dépendent des autres plus ou moins partageurs et du rythme de leurs travaux.

    Recherche directement dans les divers dépôts d'archives

    C'est évidemment l'idéal puisqu'on n'est jamais si bien servi que par soi-même !

    Désormais, il ne faudra plus trop compter sur les documents mis en ligne par les Archives départementales ou municipales. Mais presque toutes les autres séries consultables dans ces dépôts sont susceptibles d’apporter leur lot de surprises. Le Gildas BERNARD *, « Bible » des généalogistes, reste l’ouvrage de référence pour orienter ceux qui s’engagent à travers le dédale des fonds d’archives.

    Les recherches deviennent plus complexes, plus aléatoires mais aussi incomparablement plus intéressantes à travers des documents plus variés, significativement plus riches et plus en phase avec l'Histoire. Ceci est tellement vrai que, parvenus au XVIIe siècle, de nombreux généalogistes reviennent au XIXe siècle pour des approfondissements !

    « Mais moi, je n’ai pas fait d’études ! » se récrieront de nombreux généalogistes. Ne vous sous estimez pas ! Si obtenir des diplômes nécessite un minimum d’intelligence (quoique décerner le baccalauréat à 80% d’une classe d’âge alors que 50% des individus ont par définition un Quotient Intellectuel inférieur à la moyenne laisse rêveur…), l’absence de diplômes universitaires ne constitue en rien une preuve de débilité mentale. Nous avons, entre autres, connu une généalogiste que son institutrice avait refusé de présenter à l’examen d’entrée en 6ème, la jugeant trop faible, mais qui avait fini par travailler sur des documents du XVIe siècle, ce qui n’est pas à la portée de tout le monde. Nous avons aussi vu une universitaire mal à l’aise face à un document de la fin du XVIIIe siècle. Aucun jugement de valeur, juste le constat des effets de la spécialisation pour l’une comme pour l’autre.

    Recherche dans les publications et bulletins généalogiques

    Allant dans un premier temps – celui du papier-crayon sans aide aucune – au plus urgent, les associations avaient entrepris de dresser des tables de mariages religieux d'Ancien Régime puis de baptêmes et de décès. Ces travaux, aujourd'hui quelque peu dépassés, restent cependant extrêmement utiles pour les villes comportant plusieurs paroisses et quand les registres sont difficiles à exploiter en raison de l'écriture rébarbative ou du mauvais état des registres. Pour mieux satisfaire leurs adhérents, elles ont ensuite jugé préférable de résumer ces actes. Parallèlement, elles ont commencé le dépouillement des tabellions. Œuvre de très longue haleine pour le tabellion de Lille et de sa châtellenie. Certaines s'attaquent déjà aux rentes, aux terriers...

    Toutes ces associations entendent fort bien les doléances de ceux qui aimeraient que tout soit déjà disponible... gratuitement, bien entendu. Tout d’abord, il faut reconnaître que la grande majorité des renseignements glanés sur Internet ont été puisés dans leurs publications. Ensuite, il faut réaliser que les Archives départementales du Nord sont le second plus important dépôt de France, ce qui montre assez l’immensité de la tâche restant à accomplir. Enfin, elles ne peuvent proposer que les travaux réalisés selon leurs centres d'intérêt par leurs bénévoles qui les mettent gracieusement à disposition des associations pour qu'elles puissent vivre du produit des ventes et des cotisations. Surtout, elles jouent un grand rôle d'animation : détecter les bons chercheurs, les motiver, les encourager, les aider, trouver des personnes qui veuillent bien se charger de relire, mettre en page, unifier la présentation, etc... et pour les gros travaux, impulser le projet, rassembler et coordonner des volontaires qui se concerteront et se partageront la tâche... Le généalogiste étant un individu plutôt solitaire et indépendant, ils font trop souvent défaut, se découragent, abandonnent... Le travail est long : il a fallu sept ans pour traduire et analyser le tabellion d'Hondschoote, pourtant relativement modeste à raison de quatre à cinq après-midis par semaine... sans aucun défraiement pour les déplacements !

    Ceux qui ont la chance d'habiter près de la permanence d'une association peuvent aller y consulter non seulement toutes les publications de cette association mais aussi celles des autres du même secteur. Elles échangent leurs bulletins mais, les fonds n’étant pas équivalents, elles s’achètent mutuellement leurs publications.

    Quant à ceux qui n'ont même pas cette possibilité, il leur reste à exposer leur problème à l'association et à demander quels sont les travaux susceptibles de leur convenir. Une publication juste pour un couple d'ancêtres ? C'est oublier que pour une génération donnée, plus on remonte dans le temps, plus on compte d'aïeux et compte tenu de leurs stratégies matrimoniales et sociales, on a de bonnes chances au fur et à mesure des avancées d'en trouver de nouveaux ou retrouver d'autres que l'on ne s'attendait pas à trouver là. Une publication s'épuise rarement en une fois, on y revient souvent.

    Un bon truc

    Si on ne peut pas se déplacer jusqu’au dépôt d’archives et si on ne veut pas y consacrer ses vacances, on peut devenir bénévole. Il suffit de se rapprocher d’une association qui saura aider à sélectionner un fonds pas encore dépouillé, susceptible de répondre aux attentes et de correspondre au niveau de compétences. Elle l’enverra numérisé sous forme de CD contre engagement à réaliser le travail aux fins de publication et à ne pas diffuser les images. Si la parole a été tenue, l’expérience pourra se renouveler… Et les associations savent être reconnaissantes envers leurs contributeurs… Donnez et vous recevrez !

    Cf. Genealo

    Recherche sur Internet

    On aura commencé à comprendre que désormais, c’est « Aide-toi d’abord toi-même ! » et qu’Internet, incomparable pour se documenter, ne saurait répondre aux besoins les plus pointus des généalogistes.

    En tapant à tout hasard le patronyme « BONNENUICT », je suis tombée sur un site néerlandais qui m’a fait comprendre pourquoi l’imprimeur Jérôme COMMELIN et Judes BONNENUICT, son gendre, riches bourgeois douaisiens ont été décapités à l’épée (honneur dont ils se seraient passés) vers le mois d’avril 1568 à Bruxelles après comparution devant le tribunal du terrible duc d’ALBE. Une de leurs proches parentes, veuve d’un prédicateur, s’était remariée à Genève avec Antoine CALVIN, propre frère de Jean CALVIN, le réformateur !

    http://www.commelin.nl/genealogy/histories/de_boekverkopers_commelin.htm

    Avec le traducteur de Google et un peu d’anglais, d’allemand et de flamand, on parvient à comprendre…

    Sur Internet, les généalogistes n’y trouvent que ce que les dépôts d’archives mettent en ligne, c’est-à-dire une très faible partie de leurs fonds (les BMS qui n’ont pas été microfilmés par les Mormons ne s’y trouvent pas !), des extraits des travaux diffusés par les associations généalogiques et des renseignements issus des travaux personnels de quelques généalogistes aussi sérieux qu’aguerris mais toujours ponctuels et incomplets. Pourtant un adage dit que si un acte donne une « photo », trois actes constituent un « film ».

    Désormais, il ne faudra donc plus trop compter sur les sites contributifs dont les auteurs, qui ne fournissent qu'exceptionnellement leurs sources, se contredisent souvent. Il en est même qui émaillent volontairement leur arbre d'erreurs pour repérer les copieurs et jouir de détenir seuls la vérité... On s'amuse comme on peut...

    On rencontre cependant sur le Web des généalogistes parfaitement sérieux. On les reconnait aux fratries toujours très complètes, à la précision des indications, à la rareté des coquilles et erreurs, à la mention des sources et à la prudence des déductions, et enfin à l’absence de fascination pour les lignées aussi interminables que ronflantes. Ils ne refusent pas leur aide pour dénicher le renseignement introuvable, glisser un conseil, discuter sur un cas difficile, remettre l’égaré dans le droit chemin mais ils ne se substitueront jamais à ceux qui comptent un peu trop sur les bonnes poires… estimant que chercher est un plaisir et trouver, une récompense dont ils se gardent bien de priver les quémandeurs.

    Ils sont aussi conscients – contrairement à ceux qui « donnent », généreusement croient-ils, les travaux... des autres au motif qu'ils en ont acheté un exemplaire… mais pas le droit à la propriété intellectuelle ! - qu'il faut veiller à ne pas "tuer" les associations et par conséquent compromettre de futurs travaux alors qu'il reste encore tant à faire.

    In fine

    Dépôt d’archives, recours à une association ou à Internet, le généalogiste n’y trouvera réellement profit que si, à la fois besogneux méthodique et renard en maraude, il a su se constituer une base de qualité, complète et bien renseignée, qui lui permettra au fil de ses ratissages de reconnaître sans coup férir l’acte qui, tel une pièce de puzzle, complétera ou valorisera ses travaux.

    On ne trouve pas toujours ce qu’on cherche… mais on trouve souvent ce qu’on ne cherche pas ! Le meilleur est à venir.

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    * > 025. Petite bibliographie : les utilitaires

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  • Il ne s'agit évidemment pas de mettre systématiquement en doute les actes, de baptêmes ou autres, qui ne permettent pas de faire avancer les recherches mais plus simplement, à la lumière des deux cas suivants, d'attirer l'attention sur la possibilité de rencontrer des actes à la sincérité toute relative.

    Tout d'abord, il faut garder à l'esprit que le livret de famille n'a été instauré que suite à l'incendie de l'Hôtel de Ville de Paris en mai 1871. Il a alors été décidé de créer un "livret [qui] sera l'arbre géologique (sic) de la démocratie"  ! Pour plus de détails, nous vous invitons à consulter Wikipédia et surtout l'excellent site de la famille Granger-Thomas*

    Les passeports, cartes d'identité, permis de conduire, etc... toutes pièces permettant de prouver son identité étaient évidemment inconnus de nos aïeux jusqu'à une période relativement récente. Les usages puis la Loi se contentaient de témoins qui attesteraient le cas échéant « être mémoratifs » de l'évènement et qui reconnaitraient les signatures ou marques apposées au bas de l'acte.

    Le premier acte ** concerne un garçon illégitime baptisé à Valenciennes, paroisse St-Géry : « L’an mil sept cent cinquante huit le sept novembre fut baptisé pierre Antoine joseph, né hier à onze heures du soir fils illegitime de … et de Marie Louÿse Cauchÿ native et Residante a la Croisette proche st amand, libre, la sage femme Caroline Leblanc rue du verger, laquelle nous a declaré que la ditte Cauchÿ lui avoit affirmé par les serments ordinaires dans les maux que son enfant estoit des œuvres de jacqs noel dupont libre Resident au même endrois, parin jean Baptiste henneton Clerc de cette paroisse, Marene Caroline Leblan sage femme susditte estoient signés Cleblanc pour ma mère, jBhenneton – n demourin vic ».

    Si les habitants d’Hasnon ne s’étaient pas étonnés d’un remue-ménage inhabituel ressemblant fort à une scène d’accouchement, le procureur d’office et le bailli du lieu n’auraient pas enquêté, l’acte de baptême serait resté celui d’un « enfant sans suite » et nous ne saurions rien du drame familial qui avait eu lieu.

    Marie Joseph CANTRAINE, jeune fille un peu prolongée s’était laissé aller, « un peu en boisson » ce jour-là, à une brève rencontre au coin du bois de Vicoigne avec un inconnu. Déniant sa grossesse, elle avait réussi à la dissimuler aux yeux de tous jusqu’à l’accouchement un matin sans autre aide que celle de la maisonnée. La famille, atterrée, a aussitôt cherché « Le moÿen pour Tacher de Couvrir L’honneur » de Marie Anne Joseph « d’Eloigner Secrettement Cet Enfant ». Le nouveau-né a été amené la nuit suivante à Valenciennes chez une sage-femme de confiance qui se chargerait du baptême et de l’abandon chez les Enfants trouvés de Paris.

    Il faut remarquer que les faux noms n’ont pas été choisis au hasard. Les registres paroissiaux d’Hasnon commencent en 1677, plusieurs Cantraine y vivent déjà. Il était donc hors de question de s’inspirer des patronymes d’habitants d’Hasnon. Mais Marie Claire BISEAU et Jeanne Michelle FONTAINE, respectivement mère et grand-mère maternelle de Marie Joseph CANTRAINE, étaient natives de Wandignies Hamage. L'aïeule avait certainement connu Antoine DUPONT qui y avait épousé Marie BIZEAU. Par ailleurs, le patronyme CAUCHIE se rencontre dans le Valenciennois.

    Marie Anne Joseph, qui n'était pas un monstre mais qui n'avait pas eu le choix, attendait des nouvelles de son enfant... Des recherches approfondies pourraient révéler qu'il a malheureusement eu une courte vie tant la mortalité de ces petits indésirables était effroyablement élevée. Connaissait-elle cette terrible réalité ?

    Le second acte, toujours en la paroisse St-Géry à Valenciennes, est encore plus rocambolesque : « Le dix neuf janvier mil sept cent dixsept Marie Joseph, fille illégitime d’Anselme pastorel et de Marie jeanne ferin »... Ladite Marie Jeanne FERAIN, sa mère, qui ne voulait pas élever cette enfant, a fait part de sa décision au géniteur, Michel Anselme DESFONTAINES écuyer, Sr de la Barre, demeurant à Douai, conseiller secrétaire du roi, maison et couronne de France qui avait le même souci de discrétion et qui a dû trouver une nourrice. Il a donc demandé au sieur Martin DESCHAMPS, receveur du duc d’Aremberg, demeurant précisément à Valenciennes de régler ce problème. Ce dernier, aidé de sa propre mère, va tout organiser. La paternité de l’enfant sera imputée à PATOULET ou PASTOURELLE, domestique du sieur BALICQUE, maître des Eaux & Forêts à Valenciennes. La sage-femme chargera Antoine MALLET « remoleur autrement dit gagne petit », demeurant aussi à Valenciennes, époux de Marie Barbe… FERAIN, de conduire nuitamment l’enfant entre Denain et Escaudain, près d’une chapelle, pour le remettre à une vieille femme avec une hotte qui a pris le chemin d’Escaudain…

    Marie Joseph sera élevée au village de Masny chez Antoinette DESCHAMPS, femme borgne et cousine germaine dudit Martin DESCHAMPS et Etienne MORELLE, son époux. À noter que le mayeur de Masny était marié à une MALLET… La mère confiera qu’elle « etait contente du père ». Elle se mariera quelques années plus tard avec Pierre WARNYE qui ignorait le passé de sa femme et le couple demeurera à Valenciennes.

    Mais au fil du temps, la nourrice ne sera plus payée si bien qu’un accord sera passé le 21 août 1723 entre le couple et ledit Martin DESCHAMPS : pour 450 florins, les parents nourriciers deviendront parents adoptifs. On en profitera pour brouiller encore un peu plus les pistes. La transaction sera passée « pour et au nom » du sieur Charles François Dominique DELAPORTE, écuyer, Seigneur de BEAUPREZ, capitaine « en espaigne dans une compaigniz des garde wallonne » son prétendu père et Estienne MOREL sera nommé Estienne DELFOSSE. Le couple investira la somme dans un petit lopin de terre et la fillette, devenue « grandelette » sera conduite à Douai par celle qu’elle appelait « sa mère » soi-disant pour parfaire son éducation, en fait pour être placée comme servante chez des débitants de boissons.

    Michel Anselme DESFONTAINES se tenait discrètement informé du sort de sa fille adultérine. Traversant à l’occasion le village, il lui a parfois fait la charité mais il s’est refusé énergiquement à la reconnaître quand, en 1743-1744, Marie Joseph, qui se considérait comme « vendue » et qui a fait preuve de beaucoup de ténacité pour percer le secret de ses origines, l’a attrait en justice***.

    Prudence donc avec les actes de baptême d'enfants illégitimes surtout si la mère ne semble pas avoir accouché dans sa paroisse ! La consultation des archives judiciaires s'impose.

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    * http://www.webgt.net/cousins/etatcivil.php?offset=7 

    ** AD59 E 1271/2 et « Un abandon d’enfant à Valenciennes en 1758 » publié dans « ACCORD PARFAIT » n° 27, bulletin de l’association ARPÈGE.

    *** AD59 Cumulus RDC 202/18, Cumulus RDC 222/36 et VIII B 1ère série 27773.

     


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  • Pour faire court, dans cette affaire jugée en appel devant le parlement de Tournai en 1704, il s'agit de mère porteuse et d'adoption illégale !

     

    Un couple désespérément stérile mais point trop désargenté s'est laissé gagner par la tentation de se procurer un enfant.

    Il est assez facile de trouver une fille enceinte disposée à cacher sa grossesse et à abandonner son enfant - dans d'excellentes conditions, ce qui étouffe bien des scrupules - afin de préserver sa réputation, sauveur son honneur et conserver toutes ses chances de se marier ultérieurement selon sa condition. Il faut cependant se mettre d'accord très vite avant que les premiers signes de gestation apparaissent ce qui n'échappe pas au regard exercé des paysans habitués à suivre celles de leur cheptel. Il faut enfin soustraire la fille à la curiosité publique et lui assurer les meilleures conditions matérielles dans une maison de confiance pour quelle donne naissance à un enfant en pleine santé et retenir une nourrice. Enfin, il faut prévoir de rétribuer largement tout ce beau monde pour les dédommager de leurs peines, les récompenser de leur silence et éventuellement continuer à l'acheter.

    Les sages-femmes font de parfaits intermédiaires : dans le village et à la ronde, elles n'ignorent rien des dessous féminins lavés en famille. Si elles savent être compréhensives et d'une absolue discrétion, leur réputation leur amène des clientes fort embarrassées.

    Le couple en mal d'enfant a donc retenu la fille sélectionnée par la matrone locale, l'épouse a fait connaître son immense bonheur, s'est progressivement rembourré la silhouette tout en se préparant à accueillir le nouveau-né.

    Le jour "J", alertée par la femme de l'art, elle a si bien joué la comédie que personne n'a rien soupçonné. L'enfant a été baptisé sous le nom de l'époux... Malheureusement, malgré les soins les plus attentifs, n'en doutons pas, il n'a vécu que quelques semaines. Une seconde supercherie a été mise en oeuvre mais elle a cette fois éveillé des soupçons. Outre un doute sur le terme, la soi-disant accouchée a commis l'imprudence de ne pas rester suffisamment alitée et a fait ses relevailles le huitième ou neuvième jour seulement à l'église. 

    La rumeur est parvenue jusqu'à la justice du lieu qui s'est saisie de l'affaire. L'enquête a permis de confondre la matrone et la mère biologique qui furent emprisonnées et quelques complices. Un médecin a été commis pour "visiter" la prétendue parturiente. De nombreux témoins sont venus témoigner de ce qu'ils avaient observé, entendu dire ou imaginé, les commères du quartier, persuadées d'aider la justice à combattre l'amoralité, ont abondamment brodé autour de l'événement, confondant les protagonistes et ajoutant un ou deux nourrissons.

    Pas un mot sur le géniteur...

    Seule la matrone, fustigée et condamnée au bannissement à perpétuité, a subi les foudres de la justice.

    Méfiance donc quand un couple, resté longtemps stérile, se met subitement à avoir un enfant qui restera unique !

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    Cumulus RDC 82/17 aux AD59.


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    Autrefois, les naissances illégitimes étaient un crime, un pur scandale dont le curé portait une part de responsabilité aux yeux de son évêque puisqu'il n'avait pas su faire respecter la "moralité" dans sa paroisse.

    Celui de Masny, informé par une servante poursuivie devant la justice du bailli par un domestique victime d’une rumeur, n’a pas hésité à s’en prendre aux employeurs du jeune homme, le bailli lui-même et sa sœur. S’estimant diffamés, ceux-ci se sont portés en justice.

    Écoutons-les parler ainsi que les autres témoins…

     

    L’an mil sept cent dix huit le dix sept de febvrier sur les quattre heures et demie cincq heures de relevés, nous Jean Baptiste de hunault licencié es loix Baillÿ des terres et comté de masnÿ etant en nôtre maison audit lieu M(aît)re raison notre curé seroit venu nous ÿ trouver au sujet d’une requeste qui nous avoit été presentée par francois martin le Roÿ contre la nommée marie joseph Descamps qui faisoit courir le bruit dans le village qu’elle etoit enceinte de ses œuvres, laquelle requeste nous avions repondu d’un fort Communicque a partie pour ÿ dire à tiers jour de la signification et ayant prié le dit M(aît)re raison de se mettre Iceluy ne fut pas plustot assis qu’il nous interrogea d’un ton magistral nous demandant si nous voulions soutenir l’impudicité chez nous a quoÿ ayant repondu que non et que nous estions esloigné de ce sentiment Ledit M(aît)re raison tout en colere et fort eschauffé* tira de sa poche la copie signifiée de laditte requeste et ordonnance que nous ÿ avions portée et tenant Ladite copie de requeste en main nous dit en ces termes (parlant de ladite requeste) quel stil est ce la quel stil est ce la voulant Insinuer par la que nous en avions été l’autheur et que nous avions formé cette requeste que nous avions repondu et constinua son discours avecq une chaleur extraordinaire nous demanda si nous pouvions connoitre de qui concernoit notre domesticque nous traita de juge inicque et prenant notre dite ordonnance couchée sur la dite requeste pour une Sentence la traita de meme pour une Sentence Inicque, Surquoÿ n’aÿant pu faire autrement Sans avoir le sang êmeu nous luÿ replicquames qu’il scavoit fort bien sa theologie mais qu en fait de practicques qu’il n’estoit qu’un sot, qu’un fort Communicqué n’etoit pas une Sentence que sil s’en trouvoit Lese que nous avions des Superieurs ou il pouvoit appeller, qu’il ne luÿ appartenoit pas de nous venir Insulter dans les fonctions de nôtre office que nous faisions notre devoir et que si nous n avions pas des esgars pour luÿ que des le moment nous le constiturions prisonnier et de crainte de nous eschauffer davantage nous nous serions retiré de sa présence et notre Sœur ayant repris la parole luÿ auroit dit que de la maniere qu’il avoit parlé ci devant de notre maison qu’il sembloit la vouloir prendre pour une maison mal famée à quoÿ Ledit M(aît)re raison replicqua que sans notre ditte maison il n’ÿ auroit pas tant de desordre dans le village et surquoÿ il se retira de chez nous tout marmotant entre les dents sans que nous aions pu entendre et comme les Insultes et les Injures que Ledit M(aît)re raison nous est venu faire a l’occasion de ladite requeste et ordonnance ÿ portée ne peuvent estre considerées que comme des insultes faites en haine des fonctions de notre office et de notre ministere, que nous ne pouvions laisser en arriere sans donner atteinte a notre honneur et notre reputation, nous en avons dressé le present procès verbal et ordonné qu’il sera Communiqué au procureur d’office de ce lieu pour par luÿ requerir ce qu’il appartiendra en raison fait les jour mois et an que dessus

    J.B. Dehunault

     

    Vu le present proces verbal, je requies pour madame la comtesse de Renesse dame de ce lieu qu’il soit informé à ma req(ue)te des faits circontances, et dependances ÿ contenus pour ce fait et l’information à moÿ comuniqué requerir qu’il appartiendrat pour raison fait à Masnÿ le vingt deux de febvrier mil sept cent dix huict

    Alex. Desquie

     

    Veu notre proces verbal du dix sept du present mois, conclusions du procureur fiscal des terres et comté de Masnÿ du vingt deux du present mois de febvrier ensuivant nous ordonnons qu’il sera par nous informé des faits contenus au dit proces verbal circonstances et dependances pour ce fait et l’information Communiquée audit procureur fiscal estre ordonné ce qu’il appartiendra par raison fait ce vingt sept febvrier mil sept cent dix huit

    J.B. de hunault

    1718

     

    L’an mil sept cent dix huit le dix sept de febvrier sur les quattre heures et demÿ cincq heures de relevés, nous Jean Baptiste de hunault Licencié es loix Baillÿ des  terres et comté de Masnÿ Soussigné sur ce que la nommée Marie Joseph descamps demeurante en ce lieu auroit fait courir le bruit dans le village qu’elle estoit enceinte des œuvres du nommé francois martin le Roÿ nôtre domesticque, et sur ce que Ledit Le Roÿ nous auroit presenté requeste le jour d’hier aux fins d’obliger laditte descamps ex capité legis diffamarÿ a deduire les moiens qu’elle pretendoit avoir pour faire courir pareil bruit, Sinon que silence perpetuel luÿ Seroit imposé, et que nous avions repondu laditte requeste d’un fort communicqué et partie pour ÿ dire à tiers jour de la signification : Maitre pierre Raison pretre curé de cette paroisse seroit venu nous trouver chés nous garnÿ des copies signifiées desdittes requeste et ordonnance accompagné du nommé marcq Wuidier habitant audit masnÿ, et luÿ ayant fait honnëtëté et le prié de se mettre, Ledit M(aît)re raison ne fut pas plustôt assis, qu’il nous interrogea d’un ton magistral si nous voulions soutenir L’impudicité chez nous a quoÿ ayant repondu que non et que nous estions esloigné de ce sentiment mais que malgré nos precautions et vigilance nous ne pouvions repondre de nos domesticques dans une ferme et maison aussÿ grande que la nôtre et que si Ledit Roÿ avoit esté assé malheureux de tomber dans ce crime que nous n’en pouvions estre responsable Ledit M(aît)re raison tout en colere ; et fort eschauffé tira de sa poche la Copie de laditte requeste et ordonnance que nous ÿ avions porté et ce faisant il nous dit (parlant de nostre ditte ordonnance) que c’estoit une justice inicque que nous ne pouvions estre juge de nôtre domesticque et voulant insinuer que nous estions l’autheur de laditte requeste dont nous pretendions estre Le juge nous demanda en ces termes, que stil est ce la que stil est ce la, a ces mots de Sentence Inicque nous estant aussÿ eschauffé pour n’avoir rien fait qui pût exceder nostre ministere dont le devoir est d escouter Les parties dans leurs remontrances, et de leurs faire droit ainsÿ qu’il appartient nous luÿ replicquâmes qu’un simple Communicqué a partie ne faisoit aucun prejudice a personne, que nous avions des juges Superieurs pardevant qui il pouvoit en appeller sil s’en croioit lese et qu’il portoit trop tost son jugement sur un fait qui nous estoit inconnû et qu’il devoit nous estre prouvé pour ÿ faire droit, que s il n’avoit rien d’autre a nous dire que ces sortes de sotises il n’avoit qu a sortir de chez nous qu’il ne devoit point nous Insulter dans notre ministere de juge dont nous avons tousjours remplÿ les devoirs avecq honneur sans qu’aucune personne put nous reprocher la moindre demarche a cet esgard, et que si nous n avions point des esgards pour luÿ et s’il n’estoit pas notre curé que les Injures qu’il nous faisoit ne demeureroient pas Impunies que nous le ferions mettre en prison, qu’il ne luÿ appartenoit pas tout curé qu’il estoit d’Insulter a des juges en faisant leurs fonctions apres quoy nous estant retiré dans la Cour de nostre maison de crainte que les insultes que ledit M(aît)re raison nous faisoit en haine des fonctions de notre ord(onnan)ce cÿ dessus parlée ledit M(aît)re raison continuant ses discours Injurieux a notre ministere notre Sœur luÿ aÿant dit qu’il n’ÿ avoit rien a dire de nostre maison et pourquoÿ et comment il la prenoit ledit M(aît)re raison replicqua que sans notre ditte maison il n’ÿ auroit point tant de desordre dans le village, luÿ et nostre ditte sœur Luÿ aÿant incontinent apres ces discours tenus fermé la porte au dos ledit M(aît)re raison se retira tout marmottant de ches nous sans que nous aÿons pû entendre ce qu’il disoit et comme rien ne doit estre plus sensible a un juge que honneur exacte dont il fait profession et d exercer la justice avecq exactitude et probité et que nous nous trouvons Insulté dans nostre dit ministere faisant les fonctions de nostre office et en haine de ce que nous nous acquittons de notre devoir en escoutant les parties avant prononcer sur les differents … fait en repondant laditte requeste d un fort communicqué a partie nous …ions donner quelque atteinte a nostre honneur et a celuÿ de la dame comtesse de ce lieu qui nous a establÿ pour rendre justice a ses vassaux si nous demeurions dans le silence et pourquoÿ nous avons dressé le present proces verbal et ordonné qu il sera Communicqué au procureur d’office de ce lieu pour par luÿ requerir ce qu’il appartiendra en raison fait les jour mois et an que dessus

    J.B. Dehunault

     

    En clair, elle l'a flanqué à la porte !

     

    De l’ordonnance de nous Bailly des terres et comté de Masnÿ et dependances a la requeste de nicolas alexandre desquin procureur fiscal desdittes terres soit donné assignation aux tesmoins qu’il voudra faire ouir a Comparoir vendredÿ prochain quattre de mois huit heures du matin jours et heures suivantes pardevant nous au chasteau dudit lieu de Masnÿ pour deposer en l’information qui sera par nous faite et en outre proceder comme de raison fait ce vingt sept février mil sept cent dix huit

    J.B. Dehunault

     

    Information faite par nous Jean Baptiste de hunault Licencie es Loix Bailly des terres et Comté de masny et Dependances, à la requeste de nicolas alexandre desquin procureur fiscal desdittes terres demandeur et plaingnant contre m(aît)re pierre Raison p(res)b(ite)re ** Curé dudit masny Laquelle Information avons procedé comme Il en suit,

    Du dix de mars mil sept cent dix huit Jean francois miens Censier demeurant aù chasteau dudit masnÿ agee de quarante deux ans ou environ,

    Lequel apres serment par Luÿ fait de dire verité et quil nous à dit n’estre parent alliéz serviteur nÿ domesticque des parties et nous à representé L’exploit d’assignation à Luÿ donné pour deposer à La requeste dudit procureur fiscal suivant son requisitoire du vingt deux février dernier couchéz au bas de nostre proces verbal du dix sept dudit mois, Depose sùr les faits mentionnée au dit procès verbal duquel Luÿ avons fait lectùre, qu’il ne scait rien du contenù audit proces verbal parce qu’il n’estoit pas chéz nous Baillÿ Lors que Ledit maitre raison peut nous avoir faites les presentes Insultes, mais qu’auparavant Il ÿ à trois semaines de temps ou environ sans pouvoir dire Le jour precisement que Le pere Ignace delsaux p(res)b(ite)re Religieux dominicain dù Couvent de douaÿ alliéz a La femme du deposant Leur fit L’honneur de Les venir voir chéz eux et Le lendemain Ledit pere Ignace eut La devotion de dire La messe en L’Eglise de cette paroisse à Laquelle Le deposant ÿ at assisté, ensuitte de Laquelle Le susdit pere Ignace fut trouvé maitre pierre raison nostre Curé et Luÿ deposant est alléz dans le village pour ses affaires, et estant de retoùr chez Soÿ Le susdit pere Ignace ÿ est revenu àccompagné de m(aît)re pierre raison nostre Curé et cela entre onze et douze heure de midÿ auxquels Le deposant et sa femme firent honnestetéz et Leur presenterent un doit d’Eaùe de vie et ensuitte Le disnéz et s’estans mis toùs à table et aÿant servie de La viande Ledit m(aît)re raison La trouvoit tres bonne et tres agreable finissant son dire, et Lors quils commencoient Seulement à manger, La soeure dù deposant vint dire aud(it) sieur Curé qu’une fille de La paroisse L’appeloit à la porte Sans avoir dit le nom de cette fille, qu’a Linstant Ledit Sr Curé sortit de La Chambre et alla parler à cette personne, et dans un moment il revint dans La chambre dù deposant où estoit La Compagnie qui estait encore à table ; Ledit pere Ignace demanda en ces termes aud(it) Sr Curé Sÿ Sagissoit d’un mariage auqùel Ledit Sr Curé replicqua qu’il n’allait pas si bien, et poùr Lors Ledit m(aît)re raison tenant un Escrit entre Les mains qu’aparamont que cette fille Luÿ venoit de remettre es mains, dit en presence de toute La Compagnie, es til permis qu’un maitre prenne Le partie d’un de ses domesticqùe dans une Sÿ mauvaise action apres avoir explicqué que c’estoit une fille Enceinte des œùvres d’un des domesticques de noùs Baillÿ et que c’estoit La deuxiesme à qui ce mal heure estoit arrivé chez Nous Baillÿ et quil nous estoit pas permis de proteger ainsÿ nostre dit domesticque ; et qu’il en allait escrire Sùr le champ à Monsieur Gradel Lieutenant general de Boùchain, et comme Ledit Sr Curé vouloit Sortir Sùr le champ paraissant aù deposant quil ÿ avoit de L’alteration et dù chagrin au Sujet de lEscrit cÿ devant mentionnéz, Le deposant Luÿ dit quil ne falloit pour ce tant S’eschaufer nÿ chagriner au sujet de cet affaire et Le pria de Se remettre à quoÿ Il a condecendù,adjoustant Le deposant que dans cette Entrofait Ledit Sr Curé dit en chaleùr qu’il alloit Leùr dire Leur Compte sans scavoir s’il voùlait parler de nous Baillÿ, de nostre soeure où de nostre domesticqùe ; et Ledit maître raison resta jusqu’es à trois heures où environ de L’apres midÿ chez Le deposant apres estre un peù revenu de son Echaufement et beuvant encore quelques vers de bierre et quelques morseaux de viandes, sans plus parler de cet affaire sinon qu’il à parlez en Langue Latinne aù sùsdit pere Ignace delsaulx Laquelle Langue Le deposant declare n’en rien scavoir ; qui est tout ce quil a dit scavoir Lecture a luÿ fait de sa deposision à dit icelle contenir verité ÿ a persisté et signé avec noùs, et apres qu’il nous à requis salaires luÿ avons taxé à dix pattars ***,

    Jean francois miens

    J.B. de hunault                 fr. Lefi.. greffr .

     

    Anne de Levacque femme à jean francois miens Censsiere Dù Chasteaù de masnÿ agé de trente deùx ans où environ

    Laquelle apres serment par elle fait de dire verité et qu’elle nous a dit n’estre parentes alliéz servante nÿ domestiqùe des parties et nous à representé L’exploit d’assignation à elle donnéz pour deposer à La requeste dudit procureur fis(c)al suivant son requisitoire dù vingt deùx fevrier dernier couché au bas de nostre proces verbal du dix sept dudit mois, Depose sùr les faits mentionnéz aùdit proces verbal duquel Luÿ avons fait Lecture ; qu’elle ne scait rien dù contenù aùdit proces verbal parce qu’elle n’at point esté presente à ce que pouvoit avoit dit à noùs Baillÿ Ledit maitre pierre raison, qu’elle scait cependant que Le pere Ignace delsaulx son parent alliéz Luÿ fit Lhonneur de le venir voir il ÿ à trois semaines de temps ou environ, et apres estre sortÿ de chèz elle Le Lendemain à dessein d’allez dire La messe dans cette Eglise de Masnÿ accompagné de son marit, Ledit pere Ignace de Le saulx revint chéz La deposante vers Les douze heùres à midÿ accompagné de maitre pierre raison nostre Curé ; et Leur aÿant fait honnesteté à tous deùx elle Leùr presentà à disnez de ce qu’elle avoit, et s’estans mis à table ensembles et apres avoir Commencé à mangé et que Ledit maitre pierre raison auroit dit que La viande estoit tres bonne ; La belle soeure de La deposante qùi demeure chéz elle vint dire audit Sr curé quil ÿ avoit une fille quil L’appelloit, et à Linstant ledit Sr Curé sortit de La Chambre, et apres avoir tardé un peu de temps, il revint dans Laditte chambre et ÿ estant arrivé Le susdit pere Ignace delsaulx Luÿ dit en ces termes que qu’il ÿ à est ce un mariage auquel il repondit que non qu’il n’alloit pas sÿ bien, et La deposante reprenant La parole dite que c’estoit une pauvre fille abusé, apres quoÿ Ledit Sr curé parlant aù sùsdit pere Ignace Luÿ dit mon pere avez vous bien encore veüe un maitre soustenir La cause de son domestiqùe, sans avoir nomméz de quel mettre il entendoit parler, mais que suivant que tout Le bruit qui courait dans Le village au sujet de cette fille qu’on disoit estre enceinte, que c’estoit de noùs Baillÿ, adjoustant La deposante que Ledit Sr Curé aùroit dit à Laditte fille d’aller sùr le champ à Bouchain paroissant à Laditte deposante que Ledit Sr Curé estoit en collere et fort Echaùféz, sùrquoÿ elle Luÿ dit quil ne faloit point tant s’eschaùfer, à dit depuis quil ne faloit point s’eshaufer sans ce mot de tant ausquels propos Ledit Sr Curé repliqua je ne m’eschaùfe pas et ce ne sont pas mes affaires, et Le susdit pere Ignace reprenant La parole Luÿ dit que cestoit une de ses brebis que cela Le regardait, et Ledit Sr Curé continuant son discoùr, dit que c’estoit La deuxiesme fille dans La mesme maison à qui ce mal heure arrivoit, et que sÿ la première avoit esté sa paroissienne aussÿ bien que ce ne L’estoit pas, qu’il n’en aurait point esté de mesme ; et que sÿ nostre domestique croÿait d’en faire avec celle-cÿ comme il en avoit fait avec Lautre quil en seroit trompé, et quil n’en iroit point ainsÿ, que La saisie resteroit jusques à ce que Laffaire seroit finÿ, que La premiere avoit eù deux ou trois morseaux de papier aù moÿen de quoÿ elle avoit La toùt Laissé, à quoÿ La deposante dit audit Sr Curé ainsÿ es=ce que francois martin Le Roÿ veùt encore celler son fait, sùrqùoÿ Ledit Sr Curé repliqua qu’ouÿ puisqu’on venoit de Luÿ remettre par Les mains de cette fille une Lettre où un billet où assignation sans scavoir Le mot possitive dont Ledit Sr Curé s’est servÿ faisant mention qu’il nioit son fait, et sùr Le champ il dit qu’il alloit sortir pour Luÿ dire son compte sans scavoir de quÿ il vouloit parler où de nous Baillÿ où de nostre domesticqùe et quil en Ecrireroit à arras****, Le susdit pere Ignace Luÿ consoilla d’avoir soin de cette fille, depose de plùs que Ledit Sr Curé voùlant sortir et estant Levé pour ce sujet nous L’avons prié et La Compagnie de vouloir rester et pour Lors il parla Latin aùsusdit pere Ignace par plusieùres reprises, ce que La deposante n’a point entendù pour ne scavoir La Langue ; et il n’a plus esté question de cette affaire tout Le temps que Ledit Sr Curé a resté chéz La deposante et sortÿ aùx environ des trois heures apres midÿ, qui est tout ce qu’elle à Dit scavoir Lecture à elle fait de sa deposition à dit icelle contenir verité ÿ a persisté et signé avec nous et apres avoir requis sallaires Luÿ avons taxé huit pattars, adjoustant de plùs qu’à ce propos dù pere Ignace Luÿ conseillant d’avoir soin de cette fille ; Ledit Sr Curé dit qu’il iroit bien Luÿ mesme à Bouchain anne deLeuvacque

    J.B. Dehunault                                 fr. Lefi.. greffr .

     

    Pere Ignace de Le saulx prestre Religieux de Lordre de St dominicque aù Grand Couvent en la ville de Douaÿ agee de cinquante deùx ans où environ

    Lequel apres serment par Luÿ fait de dire verité in verbo sacerdotis in manu pectoris aposita – et quil nous à dit n’estre parent nÿ alliéz des parties, n’ayant point representé son exploit d’assignation à Luÿ donné pour deposer a La requeste du procùreur d’office suivant son requisitoire dù vingt deux février dernier couchéz  au bas de nostre proces verbal dù dix sept dùdit mois, Depose sur Les faits mentionné audit proces verbal dùquel Luÿ avons fait Lecture ; qu’il ne scait rien du contenù audit proces verbal parce qu’il n’estoit pas et quil n’avoit jamais esté chez nous Baillÿ, cependant apres avoir dit La messe dans L’Eglise de cette paroisse Le jeùdÿ sans scavoir positivement dire Le jour du mois il ÿ à trois semaines où environ, et ensuitte alla saluer maitre pierre raison Curé de cette paroisse dans sa maison pastorale apres quoÿ ils revinrent ensembles jusques à La maison de jean francois miens cÿ devant maÿeur dudit masnÿ et Censier dù Chasteau dudit Lieu, où estant arrivéz, Ledit jean francois miens et anne de Le vacque sa femme, firent honnestetée au pere deposant et aùdit Sr Curé et Leùr presenterent à disnéz, ce qu’ils accepterent et s’estans mis a table et ayans Commencez à mangé La soeure dudit jean francois miens vint dire audit Sr Curé qu’une personne L’appeloit à La porte et sùr le champ Ledit Sr Curé sortit de La Compagnie et de La table pour allez parler à cette personne suivant toute aparence et deux misereré, apres où environ Ledit Sr Curé rentrà dans La Compagnie et dans La Chambre où ils estoient, et Laditte anne de Levacque prenant La parole dit en ces termes audit Sr Curé ; voila de Lenbaras pour vous à quoÿ Repliqua Led(it) Sr Curé qu’ouÿ que cette fille estoit sa brebis quil devoit L’assister en tout ce qu’il pouvoit, et que nous Baillÿ pretendions estre juge et parties de nostre domesticque ; quil feroit bien voir que non, qu’il en Ecrireroit à Monsieur Gardel Lieutenant général de Bouchain, et sur Le champ Ledit sieur Curé voulait sortir de La Compagnie pour travailler à Laffaire de cette fille ; et le pere deposant Le pria de vouloir rester jusques à ce quil partiroit pour son couvent de douaÿ à quoÿ Ledit Sr Curé at acquiescéz et resta jusques aù depart dù pere, et que sùr ce qu’il ÿ à estéz dit en Latin de La part du pere deposant que cela ne regardoit qu’indirectement cet affaire sùr certain cas de théologie à L’occasion cependant cet affaire, adjoustant quil à apris de la bouche dud(it) Sr Curé que Le garçon à qui on impute cet faute avoit esté trouvé Led(it) Sr Curé et Luÿ dit s’il Le voulais perdue ; à quoÿ Ledit Sr Curé dit aù deposant qu’il ÿ avoit repondù qu’ouÿ et qu’il le persecutoroit jusques à ce quil aurait reparé Le scandal fait dans sa paroisse soit en Lepousant ou en La dottant, ce que Ledit garcon nioit fortement Le fait dont on faisoit Courir Le bruit qùe la fille aù contraire

    persistoit à dire qu’elle estoit enceinte de ses œùvres et n’on pas d’autre qui est toùt ce quil à dit scavoir Lecture a Luÿ fait de sa deposision à dit icelle contenir verité ÿ à persisté et signé avec noùs et noùs aÿant  requis sallaire Luÿ avons taxé à cincquante pattars,

    Ignace de le saulx

    J.B. dehunault                                  fr. Lefi.. greffr .

     

    Marc Wediez manouvrier demeurant en ce Lieu agée de trente neuf ans ou environ Lequel apres serment par Luÿ fait de dire verité et qu’il nous à dit n’estre parent alliéz nÿ domestique des parties et nous à representé L’exploit d’assignation à Luÿ donnéz pour deposer à La requeste du procureur fiscal suivant son requisitoire du vingt deux février dernier couchéz au bas de nostre proces verbal du dix sept dudit mois, Depose sur Les faits mentionnéz audit proces verbal duquel Luÿ avons fait Lecture ; qu’il ÿ a trois semaines où environ sans pouvoir precisement Le jour quil estoit occuppé à battre des grennes vesches***** chez m(aît)re pierre raison nostre Curé et aÿant tout battus Ledit grain estant occuppé a Le mes.. avec La soeure dudit sieur Curé dans cet entrefait Ledit Sr Curé revint chéz Luÿ sans scavoir d’où il venoit et Le vint trouver à La grange où il estoit avec saditte sœur ; et Luÿ dit entre autres choses quil falloit Luÿ deposant iroit avec Luÿ jusques à la Censse d’Esclevain residence ordinaire de nous Baillÿ pour quel effect iceluÿ deposant dit quil avoit besoin de son juste aùcorps quil alla prendre chez soÿ et sortant de sa maison il rencontra Ledit Sr Curé sür Le Cimetiere et marcherent ensembles à ce dessein sans dire aucunes Choses, mais estant parvenu vers La maison de guillaume Le Clercq où environ Ledit Sr Curé dit au deposant voùs alléz entendre quelques choses, à quoÿ Luÿ quÿ depose repliqua que s’il alloit Là pour gronder avec nous baillÿ quil n’iroit pas, et Ledit Sr Curé Luÿ dit que non qu’il ne gronderait pas, et continuerent ainsÿ Leur chemin sans dire autre chose, jusques à ce qu’ils sont parvenus dans La maison de nous Baillÿ, et La porte de La Cour aÿante esté oùverte par nostre servante, Ledit Sr Curé alla hurler à La porte de La maison à L’entré de Laquelle nous L’aurions esté recevoir et L’aurions fait entrer dans La Chambre pour se mettre aùpres dù feù apres Luÿ avoir fait presenter une chaise ; et Luÿ deposant resta à L’entréz et vis à vis de La porte de Laditte Chambre où Ledit Sr Curé estoit entré qui estoit oùverte en tel sorte quil voyait tres bien Ledit Sr Curé assis pres dù feù et nous Baillÿ aupres de Luÿ et à L’instant Ledit Sr Curé interrogea Ledit Sr Baillÿ s’il vouloit soustenir L’impudicité chez Luÿ à quoÿ nous repondime que non, Ledit Sr Curé continuant demanda aùdit Sr baillÿ pour quÿ il tenoit, à quoÿ nous repondime que nous tenons nÿ pour Lun nÿ pour pour L’autre, Ledit Sr Curé insistant d’avantage nous interrogea encore à qui nous donnons Le tort des deux ; aquoÿ noùs repliquames encore que nous donnions Le tort à ceux où celuÿ qui avoient Commis Le Crime, et à Lors Ledit Sr Curé tira de sa poche un billet où Escrit voilà poùrtant vostre signature où sentence sans que Le deposant puise dire de quel terme il s’est servÿ et sans pouvoir dire sÿ Ledit Sr Curé s’est servi de ces mots sentence inique parce que Luÿ deposant n’entend pas ce qùe veut dire ce mot inique et quant mesme il L’auroit dit il ne s’en soùvient point parce qu’il n’a jamais entendu parler de pareils termes, qu’il vit tres bien que nous Baillÿ se serions Levéz de nostre Chaise fort Echaùffé au dernier mot que Ledit Sr Curé nous auroit dit, et que dans cette Chaleur nous Baillÿ aurions dit au Sr Curé qu’il n’estoit qu’un sot dans cet matiere qùe nous ferions cent ordonnances pareille à celle dont estoit questions sans qùe quÿ que ce soit puisse nous reprocher aucunes choses sur Les fonctions de nostre office, qu’a ce mot dont il ne scaùroit dire Le terme que Luÿ deposant a bien jùgé qu’il estoit mauvais puisqu’il nous a veüe aussÿ eschaùffé qùe nous estions, d’autant plus que Luÿ deposant n’a jamais remarqué pareils Echauffements en La personne de nous Baillÿ, apres quoÿ Luÿ deposant aÿant mis pieds dans La chambre ; nous Baillÿ L’aurions fait retirer de chez noùs et n’a plus rien entendù de ce quÿ s’est passé à La suitte entre noùs et Ledit Sr Curé quÿ est tout ce quil à dit scavoir Lecture a Luÿ faite de sa deposision à dit icelle contenir verité ÿ à persisté et à signé avec nous et nous aÿant  requis sallaires Luÿ avons taxé huit pattars,

    marcq Wedie                    J.B. dehunault

    Lefi..

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    * fort eschauffé : ce terme décrit parfois l'excitation d'un individu en état d'ivresse.

    ** p(res)b(ite)re : pbre, abréviation courante pour presbitere, prêtre, pasteur. Accompagne généralement la signature du curé.

    *** luÿ avons taxé à dix pattars : lui avons payé dix patars d’indemnité pour être venu témoigner.

    **** il en Ecrireroit à arras : il en référerait à son évêque à Arras.

    ***** battre des grennes vesches : battre des graines et vesces. La vesce commune est la légumineuse la plus utilisée en interculture comme plante fourragère ou de couverture des sols, souvent en association avec des graminées. En fin de cycle, elle était détruite par broyage ou roulage sur gel pour achever de préparer le terrain (Arvalis-info.fr). 

     

    Enquête pour diffamation du 17 février au 10 mars 1718. Archives municipales de Masny, document non coté. Transcription intégrale.

     

    Le domestique, qui n'a pas les mêmes pudeurs langagières que les précédents témoins, nous dit sans ambages que l'altercation a été si vive qu'il a craint devoir intervenir. 

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    ÉPILOGUE 

     

    Maître Pierre RAISON, curé de la paroisse de Masny (dépendant de l’évêché d’Arras), dont l’écriture atteste assez de son caractère vif, y est décédé le 21 octobre 1721, à l’âge de 38 ans.

    045. Un mauvais bruit court dans le village...

    045. Un mauvais bruit court dans le village...

    045. Un mauvais bruit court dans le village...

     

    Damoiselle Jeanne Catherine de HUNAULT, fille (célibataire) et fermière à la cense d’Esclevaing, est décédée le 19 août 1739 à Masny à l'âge de 75 ans ou environ et enterrée dans l’église paroissiale de Masny en présence du sieur Jean Baptiste de HUNAULT, licencié es loix, ancien bailly de Masny et censier d’Esclevaing, et du sieur Pierre de HUNAULT, conseiller du roi honoraire, vétéran à la gouvernance de Douay.

     

    Le sieur Jean Baptiste de HUNAULT, licencié es loix, bailly et receveur des seigneurs de Masny, est décédé le 02 octobre 1740 à l'âge de 69 ans ou environ. Il a été inhumé en présence du sieur Pierre de HUNAULT, conseiller du roi honoraire, vétéran à la gouvernance de Douay et Orchies, son frère, et des sieurs Pierre Antoine Joseph de HUNAULT et Jacques Philippe Joseph de RANET de BERCHEM, avocats à la cour, ses neveux.

     

    Le registre des naissances de Masny pour l’année 1718 ne contient aucune naissance, ni au nom de LE ROŸ, ni à celui de DESCAMPS

     

    Marie Joseph DESCAMPS s'est finalement mariée à Masny le 14 juillet 1722 avec Pierre Eloy PARENT (PARAIN), décédé le 29 avril 1751 à Masny. Elle décède à son tour à Masny le 28 janvier 1774, à l’âge de 83 ans, veuve de Eloy PARENT.

    Le couple a eu 8 enfants, tous nés à Masny :

              Marie Anne Thérèse, née le 24 janvier 1723, décédée célibataire le 30 avril 1780 à Masny à           l’âge de 57 ans.

              Ernestine Joseph, née le 27 novembre 1724, mariée le 09 février 1751 à Masny avec                     Jacques Antoine PICQUETTE, décédée le 23 mars 1751 à Masny, à l’âge de 27 ans.

              Marie Anne Josèphe, née le 15 août 1726, décédée célibataire le 02 décembre 1769 à                     Masny, à l’âge de 40 ans.

              Marie, née le 22 septembre 1728.

              Anne Pétronille, née le 23 juillet 1730, mariée le 1er juillet 1760 à Masny avec Jean Baptiste           MASCLET, décédée le 19 février 1791 à Masny son épouse.

              Laurent Joseph, né le 10 août 1732, marié le 1er mai 1781 à Masny avec Séraphine Joseph           RIENS.

              Héleine Joseph, jumelle, née le 1er août 1734, décédée le 24 juin 1745 à Masny, à l’âge de           10 ans.

              Marie Angélique, jumelle, née le 1er août 1734.

     

    Francois Martin LE ROŸ avait de coquettes économies - ou un héritage attactif et ce détail explique peut-être toute l'affaire - puisqu'il avait prêté 400 florins flandres à Marie Jeanne PAŸEN "veuve Immissés es biens et dettes de Jean Bapte Stapart". Pour se libérer de sa dette, celle-ci vend un bien le 10 janvier 1725 (AD59 Tabellion de Douai Liasse 987 Pièce n° 6).

    Il est décédé à Masny le 08 septembre 1742, âgé de 60 ans, inhumé le 09 en présence de Marie Claire LEROY, sa sœur et de Marie FRÈRE, sa nièce.

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    > « Pères inconnus, enfants reconnus, enfants illégitimes » in Douaisis-Généalogie n° 38, bulletin du CEGD.

     


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