• C'est pour éclairer ceux qui se sentent perdus devant les tabellions et ceux qui, les considérant comme une simple base de données, passent à côté de leur richesse que je reproduis ici ma réponse sur un excellent site d'échanges généalogiques à deux intervenants désireux de progresser.

     

    LA QUESTION

    "j'ai beaucoup de difficulté à trouver (et comprendre ...) les "tabellions"".

     

    MA RÉPONSE 

    Bonjour [..., ...],
    Vaste question qui appelle des réponses d'ordre administratif, géographique et historique. Je m'en tiendrai aux grandes lignes.

    Au plan administratif, les tabellions (terme qui a une double acception : les notariats ou les notaires) ou garde-notes (terme parfaitement explicite) sont très anciens car indispensables quand seule une petite minorité savait lire et écrire (pour compter, les autres parvenaient à se débrouiller) et que, instruits ou non, il était nécessaire de préciser les droits et devoirs de chacun. Le notaire servait aussi de greffier pour enregistrer des plaintes ou des témoignages. C'est un reflet fiable de tous les aspects de la vie. C'est ainsi qu'une preuve d'ascendance peut évidemment se trouver aussi dans un testament ou un partage successoral mais encore dans n'importe quel acte (un renouvellement de bail par des héritiers, un échange de biens entre deux beaux-frères,...), ou un ensemble d'actes à recouper.
    Cas particulier d'actes passés entre deux personnes relevant de tabellions différents, fréquents chez les censiers et les marchands, y compris pour régler le mariage de leurs enfants.
    Pourtant les généalogistes débutants, plus soucieux de remplir le maximum de cases de leur logiciel que d'aller à la découverte de leurs aïeux, n'y voient qu'un moyen de pallier un acte de mariage disparu ou incomplet sans se préoccuper de la teneur de l'acte. Dommage pour eux. Il suffit de considérer que ces actes sont si précieux à plus d'un titre que les dépôts d'archives en prennent grand soin. A méditer...
    A noter qu'en cas d'urgence, les curés pouvaient recueillir les testaments.

    A titre personnel, je déplore la tendance actuelle à isoler les contrats de mariage des autres actes jugés moins intéressants. Il faut craindre que par la suite on relève les testaments et partages (pas toujours exhaustifs sur la descendance et parfois piégeux) et que les autres actes a priori moins vendeurs sombrent dans l'oubli. Pourtant, ils donnent à comprendre la structuration, les problèmes et le quotidien des familles. Enfin, c'est parfois grâce à eux que j'ai pu progresser, lever un obstacle ou un doute.

    Au plan géographique, le notaire exerce sur une zone délimitée. En gros, chaque ville importante a son tabellion (Lille, Douai, Valenciennes, Cambrai, Bouchain, Le Quesnoy, etc...) mais comme rien n'est simple, elle peut comporter des enclaves relevant d'un autre tabellion et une ville peut se trouver à la jonction de plusieurs tabellions ! Ainsi la carte du tabellion de Bouchain montre qu'elle s'étire vers le Valenciennois et que des enclaves plus ou moins vastes lui donnent un aspect mité. Douai se trouve à la jonction des provinces du Hainaut et de l'Artois, ayant chacune son tabellion, et aussi de l'Empire.

    Au plan historique, les remaniements de frontière ont eu des répercussions. Louis XIV a ainsi réorganisé vers 1670 le tabellion dans les territoires conquis mais cela a pris un certain temps avant d'être complètement mis en place partout. Auparavant, ces actes étaient passés devant les échevinages (précurseurs de nos communes voire groupement de communes et conseil municipal) ou des seigneuries (Gouvernance de Douai et Orchies).

    Quant à l'exploitation généalogique, le mieux pour vous est donc de vous rapprocher des associations généalogiques expertes sur le secteur qui vous intéresse. A l'ère du "tout gratuit", elles ont encore leur utilité et elles ne demandent qu'à être soutenues pour réaliser leurs nombreux projets car, au-delà de la limite des 75 ou 100 ans exigés par la Loi, tout ou presque vient ou viendra d'elles. En effet, chaque génération qui viendra verra doubler son nombre d'ancêtres et une vie de généalogiste n'y suffira plus surtout quand les origines seront diverses.

    Remarque sur les actes les plus évidents. L'acte de mariage ne donne pas toujours un aperçu des apports des mariants qui se déclarent souvent satisfaits sans qu'il soit besoin de plus amples spécifications. Cela ne signifie pas forcément que les mariés ne possèdent aucun bien. Un censier qui se remarie par exemple peut ne pas souhaiter faire étalage de ses biens au notaire. A contrario, des pauvres n'ont effectivement pas grand chose à déclarer mais ils peuvent tenir à prévoir et organiser la fin de leur union (sorte de testament avant la lettre) ou mettre les points sur les "i" à propos de la législation si l'un des conjoints est bourgeois d'une autre ville (avec droits et privilèges particuliers) ou "étranger" (il suffit de venir de quelques villages plus loin) avec des coutumes différentes ou s'il est issu d'une famille retorse ou chicanière. Bien d'autres cas peuvent se présenter. C'est pourquoi il faudrait à chaque génération ratisser tous les actes pour rassembler le maximum d'éléments afin de se faire une idée la plus juste possible de la situation et du fonctionnement de la famille.
    Il est important de rechercher ce qui se passe après la mort du père. On pense évidemment au remariage de la mère. On pense aussi au partage entre les héritiers mais il faut savoir que,
    parfois, des enfants n'y figurent pas parce qu'il ont déjà été suffisamment servis et que le patrimoine restant revient à ceux qui ne sont pas encore mariés. Souvent, ces derniers - ou plutôt leur pécule ? - les rends plus attirants et on constate qu'ils convolent tous en moins d'un an. Souvent, ils achètent quelque bien ou louent une maisonnette, contractent une obligation (emprunt à court terme) ou souscrivent une rente (emprunt à long terme mais transmissible aux héritiers tant emprunteurs que crédirentiers)... Après la famille disparaît des actes notariés jusqu'à ce qu'un nouvel événement important oblige à reconsidérer la situation.

    Je vous souhaite de belles surprises...

     


    votre commentaire



    Suivre le flux RSS des articles
    Suivre le flux RSS des commentaires