• 032. Reconstituez les fratries !

    Mais pourquoi se fatiguer à rechercher les frères et sœurs d’un aïeul puisqu’ils ne figureront pas sur l’arbre d’ascendance ? Si tel est le but, effectivement, quoique…

    Rappelons simplement que la vie et le destin d’un enfant qui a grandi au sein d’une turbulente tribu issue de remariages successifs et pouvant compter plus d’une vingtaine d’individus diffère sensiblement du cas de celui dont la naissance a coûté la vie à sa mère primipare et dont le père ne s’est pas remarié ou de celui qui a vu périr en bas âge tous ses frères et sœurs.

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    L’examen du tableau montre que Marie Madeleine WION – suivant probablement les conventions habituelles des contrats de remariage – a pris en charge et emmené avec elle à Vieux-Condé au moins les plus jeunes enfants – l’aînée était déjà mariée – de Hughues (DELE)VINQUIER, son défunt époux. Veuve à nouveau, elle s’est remariée avec Jacques Joseph HUVELLE, également veuf avec enfant(s), qui est venu exploiter la cense qu’elle occupait. La tribu est issue de cinq lits différents.

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    Ceux qui, satisfaits d’avoir complètement rempli une case et ne pensent déjà plus qu’à la suivante, mesurent-ils toujours ce que fut la vie de celui qu’ils zappent avec désinvolture ? Ici, Henri BLONDIAU, est issu d’un couple qui se remettait tout juste de la perte de son aînée comme en témoigne la reprise du prénom « Antoinette ». Il n’avait pas 7 ans qu’il avait perdu ses deux petits frères, sa sœur, compagne de jeux, et sa mère. Pour la fin de son enfance et son adolescence, il n’avait plus que son père, non remarié. En épousant une veuve, nettement plus âgée que lui, a-t-il recherché inconsciemment une certaine sécurité, un substitut maternel ? À l’âge de 37 ans, complètement orphelin et veuf sans enfants, il lui fallait reconstruire sa vie.

    Nous avons aussi repéré une mère qui n’a apparemment « retenu » que deux enfants sur huit : son aîné et sa dernière, ayant pourtant mis au monde un « single », des jumeaux et des triplés dans l’intervalle. Cinq nouveaux-nés en deux ans, sitôt baptisés, sitôt disparus… Encore pouvait-elle s’estimer heureuse d’avoir survécu.

    La répartition des rôles dans le couple parental se modifiera s’ils n’ont engendré que des filles ou des garnements mais ce sont surtout les conséquences économiques qui affecteront le foyer. Les filles ne seconderont guère leur père pour gagner la vie de la famille et coûteront cher en dots alors que les jeunes gens contribueront à une relative aisance et même à épargner suffisamment pour acquérir un nouveau lopin de terre. Certes, elles peuvent filer, effectuer des travaux de couture à domicile ou aller travailler comme servantes au château ou dans une auberge mais à un salaire moindre que celui octroyé à la force masculine. Ce n’est pas un hasard si, dans la plupart des civilisations, l’arrivée d’un garçon réjouissait le clan alors que celle d’une fille le consternait au point parfois de la supprimer. Nos très catholiques aïeux se contentaient souvent de les vouer au célibat.

    Ces observations méritent d’être explicitées et mises en valeur par un encart, un tableau, etc…

    Ceci étant, les NMD et les BMS français sont objectivement bien pauvres en renseignements mais on peut en tirer beaucoup comme l’a magistralement prouvé Guy TASSIN dans ses ouvrages*. Sans aller jusque-là, on peut se contenter de reconstituer systématiquement la fratrie de chaque ancêtre, la fratrie complète évidemment. C’est le minimum, c'est donc la priorité. Aucune excuse maintenant que les actes sont en ligne.

    On se penchera donc sur les frères et sœurs germains (même père et même mère), consanguins (même père) et utérins (même mère) voire plus en cas de mariages successifs, le critère étant de savoir qui partageait le même toit : « au même pot et au même feu ». Dans ces tribus, un membre au moins sortira du lot, jouera un rôle déterminant qui apparaîtra ensuite et qui servira de fil conducteur pour les recherches.

    L’omniprésence d’un neveu ou d’un cousin à la forte personnalité ou qui a manifestement joué un rôle local doit aussi retenir l’attention.

    On élargira aux témoins, parrains et marraines, ceux qui ont été choisis… et ceux qui ont choisi nos Sosas ! L’observation minutieuse des critères de choix d’une famille est non seulement très instructif sur son fonctionnement mais elle donne surtout des clefs pour exploiter au mieux les actes les plus anciens quand ils deviennent rares et qu’ils ne sont plus filiatifs.

    Les consanguinités qui attestent de la persistance de liens à travers plusieurs générations, surtout si les deux branches n’ont pas quitté le village, doivent aussi faire l’objet d’un suivi. Si les dispenses sont nombreuseses, il sera judicieux de les relever toutes et de les articuler dans un vaste tableau.

    Enfin, si on y regarde de près, des tactiques matrimoniales apparaissent inévitablement. Trop nombreuses pour être fortuites, elles témoignent d’une organisation économique et sociale bien rodée faisant la part belle aux intérêts du clan tout entier.

    Et l’amour dans tout ça ? Un adage voulait qu’il vienne avec le mariage qui était par ailleurs considéré avec résignation comme une loterie. Mais au détour d’un acte, on peut discerner un réel attachement toujours évoqué avec retenue et on déniche parfois quelques bien belles histoires…

    Ces affaires de cœur et d’intérêts sont tellement vastes qu’elles feront l’objet de plusieurs autres articles.

    Outre l’intérêt humain, la reconstitution des fratries est un outil majeur pour gagner une génération quand les actes trop succincts deviennent rares ou pour résoudre des cas épineux.

     

    Et maintenant, trois exercices d’application 

    Rappelons tout d’abord que « la date du décès moins l’âge du défunt » ne permet pas de trouver ses parents.

    Soulignons aussi qu'en généalogie, l'adage "Maman sûre, papa peut-être" s'inverse : l'épouse du père citée dans un acte quelconque n'est pas forcément la mère tant la mortalité périnatale était élevée et les remariages fréquents.

     

    1. Le tableau ci-dessous résume comment on peut identifier les parents avec une (quasi) certitude à partir de plusieurs frères ou sœurs connus comme tels, ici Philippe, Hugues (aussi prénommé Luc) et Nicolas BLONDIAU, grâce à un compte de tutelle comme on peut en trouver dans les actes d’échevinage.

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    2. Dans le second cas, très classique, en ratissant systématiquement les BERTRAND, on parvient à établir que Jacques, Jean et François sont frères et enfants de Jean. Pour Nicolas, on ne dispose que d’un seul renseignement, ce qui est beaucoup trop fragile pour conclure. Il n’est donc rattaché qu’à titre d’hypothèse, ce qui est matérialisé par des pointillés.

    Appliquant ensuite l’adage « Cherchez à qui appartient la terre ! », on recherchera ensuite dans les terriers (registres répertoriant les occupeurs des terres) ou autres documents la trace de ces personnages et surtout à qui ils succèdent tant du côté paternel que maternel. On remarquera qu’en raison des partages entre héritiers nombre de leurs voisins leur sont probablement apparentés. Évidemment, plus on retrouve de frères et de sœurs, plus on augmente ses chances de compléter l’ascendance.

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    3. Dans le dernier cas, plus subtilement, c’est surtout la description des biens apportés en mariage qui nous permet d’affirmer que Marguerite, Jacques et Jehan BONNENUYT sont sœur et frères, les renseignements biographiques ne viennent qu’en complément. Même dans une ville telle que Douai, il est statistiquement fort peu vraisemblable que deux familles rigoureusement homonymes aient vécu dans le même quartier à la même date.

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    On remarque que Marguerite possède un tiers des biens. Outre son frère Jacques cité dans l'acte, il existe donc un autre frère ou une autre soeur.

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    Analyses de Melle METAYER, archiviste aux Archives municipales de Douai, où elles sont consultables. De plus, elle a bien voulu les confier au GGRN pour publication.

    Ces trois exemples montrent qu'au-delà 1737, comme les filiations se raréfient dans les registres paroissiaux, il est nécessaire de recourir à d'autres actes pour gagner de nouvelles générations, parfois à des périodes reculées.

     

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    Référence inconnue.

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    * > 046. Petite bibliographie : la vie de nos aïeux

     


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