• Abandon d'enfants

    Le succès des contes pour enfants, véritable instrument populaire d’éducation et d’initiation, résulte d’une plongée dans le tréfonds des mentalités et des réalités. Ce genre littéraire permet également une liberté d’expression toute relative qui n’a pas épargné Jean DE LA FONTAINE tandis que Charles PERRAULT a tranquillement pu publier en 1697 sa version du « Petit Poucet » en période d’appauvrissement suite aux rudesses climatiques et aux grandes famines qui caractérisent, sur fond de guerres, la fin de règne crépusculaire de Louis XIV, le Roi-Soleil. La précarité de la vie paysanne et plus encore celle de l’enfant, trop souvent sacrifié, y sont crûment exposées.

    Le généalogiste ne s’étonne d’ailleurs pas de constater que les abandons d’enfants, bien que rares, étaient plus nombreux quand sévissaient de graves difficultés économiques, particulièrement suite à des épidémies ou guerres dévastatrices.

     

    048. Abandon d'enfants

    « Tu vois bien que nous ne pouvons plus nourrir nos enfants. »

    « Le Petit Poucet », illustration de 1867 de Gustave Doré

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Petit_Poucet

     

    Nul doute que les classes aisées pouvaient rétribuer une famille nourricière pour la prise de charge de leurs bâtards qui étaient parfois légitimés et mis au service de leur famille, l'exemple venant d'en haut : Henri IV et Louis XIV pour les plus récents.

    La persistance d’abandons sporadiques laisse entrevoir d’autres causes dont la principale est l’illégitimité. La pression tant morale de l’Église que sociale de la communauté pesait sur les filles et femmes enceintes non pourvues de mari et rejaillissait sur les « enfants du péché ». Si on forçait les parturientes à révéler le nom du géniteur, ce n’était pas seulement par curiosité malsaine ni pour faire honte à la coupable voire la criminelle mais plus prosaïquement pour savoir d’où vient l’enfant afin d’éviter une union consanguine ultérieure et surtout, parce que les raisons économiques ne sont jamais absentes, trouver à qui incombera l’entretien d’un petit indésirable qui risquerait d’être supporté par la solidarité communale. Il ne faut jamais oublier que le mariage était – et reste – avant tout une institution dont la fonction est d’attribuer les enfants d’une femme à son époux, à charge pour lui de prouver le cas échéant qu’il ne saurait être le père.

    Sur fond de superstitions, une fille-mère avait tout intérêt à dissimuler sa grossesse et son accouchement qui la dévalorisaient considérablement sur le marché matrimonial. Au milieu du XXe siècle, certains croyaient encore que la portée entre un chien et une chienne dotés toux deux d’un pedigree impeccable ne pouvait être considérée comme de pure race si elle suivait une portée bâtarde ! De là à extrapoler à l’espèce humaine…

     

    Si nous sommes bien renseignés sur les circonstances de l’abandon et la vie de ces petits infortunés au XIXe siècle, nous le sommes nettement moins pour les siècles antérieurs. La raison en est simple : la Révolution française a retiré la tenue de l’état civil au clergé pour la confier aux municipalités. Dorénavant, l’enfant trouvé sera amené à la mairie qui le fera acheminer vers un hôpital et il sera pris en charge par une organisation avec ses règles et textes de lois. On dispose ainsi d’archives et il est possible de retrouver au moins ses conditions d’existence et les principales étapes de sa vie.

    Auparavant, on alertait le curé pour qu’il baptise l’enfant et le mayeur qui était en principe chargé de subvenir aux besoins et à l’éducation de tout enfant découvert sur l’étendue du territoire dont il assumait les responsabilités. Il lui trouvait d’urgence une nourrice puis le confiait à une famille nourricière rétribuée sur les fonds de la communauté. Le plus souvent, il le remettait à une institution charitable privée qui pouvait aussi recueillir des orphelins pauvres mais ces établissements n’ont guère laissé d’archives. Le mayeur ne manquait pas d'alerter le bailli qui diligentait une enquête pour retrouver au moins la génitrice mais les investigations aboutissaient rarement.

    Les circonstances de l’abandon suggèrent que certains nourrissons ont été abandonnés à contrecœur en leur offrant le maximum de chances de survie tandis que d’autres ont été quasiment traités comme des déchets à la limite de l’infanticide. Cette observation est à rapprocher du cas des enfants naturels dont la survie oscille généralement entre trois et huit jours, mortalité indiscutablement supérieure à celle des premier-nés légitimes sans que cette hécatombe émeuve. Il ne faisait pas bon vivre sa vie ou naître hors du cadre conjugal autrefois.

     

    Le sujet a fait couler beaucoup d’encre… Des recherches sont possibles. Certes, elles sont aléatoires et on ne pourra pas toujours mettre un nom sur la mère et encore moins sur le père mais les articles, ouvrages et discussions seront consultés avec profit pour se faire une idée du sort de ces enfants.

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    Pour en savoir plus :

    http://www.gennpdc.net/lesforums/index.php?showtopic=111331&hl=

    http://www.gennpdc.net/lesforums/index.php?showtopic=1965

    http://www.gennpdc.net/lesforums/index.php?showtopic=11514

    http://www.gennpdc.net/lesforums/index.php?showtopic=11515

    http://www.gennpdc.net/lesforums/index.php?showtopic=123369

    http://www.gennpdc.net/lesforums/index.php?showtopic=12482

    Voir en particulier le très riche site de Jean-Marie QUARESME sur les enfants trouvés à Namur au XIXe siècle.

     

    La spécialiste de la question est la généalogiste Myriam PROVENCE.

    « Guide des recherches sur les enfants naturels et abandonnés » (opuscule) Brocéliande, 7 bis, rue César-Franck, 75015 Paris.

    Voir aussi l’article paru dans RFG n° 139, avril-mai 2002.

    Claude GRIMMER « La femme et le bâtard, amours illégitimes et secrètes dans l’ancienne France » Presses de la Renaissance, 1983.

    Elisabeth BADINTER « L’amour en plus, histoire de l’amour maternel XVIIe-XXe siècle » Flammarion, 1980.

    Guy TASSIN « Se marier, ni trop près, ni trop loin. Les habitudes matrimoniales dans un village au XVIIIe siècle », article paru dans Généalogie Magazine n° 208 octobre 2001 pp. 18-25.

    et pour de plus amples détails :

    Guy TASSIN « Mariages, ménages au XVIIIe siècle – Alliances et parentés à Haveluy » Préface de Françoise HÉRITIER L’Harmattan, 2001.

    Robert MUCHEMBLED « les derniers bûchers. Un village de Flandre et ses sorcières sous Louis XIV » Ramsay, 1981.

    Dominique SIMONNET, Jean COURTIN, Paul VEYNE, Jacques LE GOFF, Jacques SOLÉ, Mona OZOUF, Alain CORBIN, Anne-Marie SOHN, Pascal BRUCKNER et Alice FERNEY « La plus belle histoire de l’amour » Le Seuil, 2003.

     


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