• Épouser à coup sûr un maître batelier de la navigation de Condé...

    Maître batelier, un titre convoité 

    Pour découvrir ou mieux connaître les bateliers de la navigation de Condé et celle de Mons qui lui a été rattachée, il est indispensable d’explorer la série C des Archives départementales du Nord.

    Sous l’Ancien Régime, les bateliers de Condé étaient au service du roi. À ce titre, ils relevaient donc de l’Intendant de Police, Justice et Finances du Hainaut basé à Valenciennes (précurseur de nos modernes préfets). Un subdélégué à Condé servait d’intermédiaire et relayait toutes les affaires.
    Par ailleurs, l’influence du duc de CROY (précurseur de nos plus influents élus régionaux) était manifeste surtout quand ses intérêts étaient en jeu. Le corps des bateliers faisait donc l’objet d’une attention toute particulière en raison aussi de leur importance pour le commerce local et régional.
     
    La boîte C 19937 contient les requêtes des bateliers postulant à la maîtrise entre 1754 et 1757. Outre les responsabilités mais aussi une certaine influence sur les intérêts de la profession, ce statut était matériellement nettement plus avantageux que la simple appartenance au corps des bateliers. Ce n’était pas facile : les demandes étaient bien supérieures aux places vacantes. Il fallait constituer un dossier et le résumer dans une supplique (équivalent de nos lettres de motivation). La première condition était d’être de « bonne vie et mœurs », formule qui sous entendait aussi une certaine docilité envers l’ordre établi. Il fallait évidemment posséder les compétences professionnelles acquises de père – ou mère ou tuteurs – en fils. Appartenir aux plus anciennes familles de bateliers était d’ailleurs un plus fréquemment avancé. On ne perdra pas de vue que les bateliers de Condé étaient d'habiles bateliers de rivière à peine canalisée et pas seulement de paisible « canal à grenouilles » !
    Il était impératif de posséder un bateau et d’en être propriétaire au moins pour un quart. Enfin, l’aspirant maître devait, en conformité à une ordonnance de 1718, être marié et être de préférence en charge de famille probablement pour avoir plus de cœur à l’ouvrage… Cette dernière clause incitait malheureusement les jeunes gens à se marier prématurément sans toujours avoir les moyens d’entretenir leur ménage ce qui les plongeait souvent dans la misère.
    Ces conditions remplies, il fallait encore se faire recommander par un personnage éminent ou plus modestement par son curé.
    La partie n’était pas gagnée pour autant : il fallait d’abord compter avec la concurrence. On remarque ainsi que plusieurs membres d’une même famille postulent à succéder à celui – ou plus rarement celle – qui laisse une place vacante.
    L’intendant, tenant compte des desiderata du duc, éliminait la plupart des suppliants. Motifs parfois explicités… Un tirage au sort départageait les finalistes. 
     
    Pour les heureux lauréats de ce qu'il faut bien appeler un concours, rester à ne pas se faire radier, notamment en remplaçant son bateau avant qu'il soit frappé de vétusté. Or un bateau neuf (et même d'occasion) coûtait nettement plus cher qu'une maison, sa construction durait environ neuf mois, il durait une vingtaine d'années et il était obligatoire de l'équiper et de l'entretenir correctement à grands frais. 
     
    Une veuve sachant manoeuvrer...
     
    Marie Françoise PICART, fille de Charles Joseph en son vivant maître batelier de la navigation de Condé et de Marie Magdeleine THIEFFRY, est veuve avec enfants de Jean Baptiste LETHER (ou LE TERRE) qui était aussi maître batelier de cette même navigation. Elle a hérité du titre de son défunt époux.
    Sous promesse de mariage, elle a accordé ses faveurs à Pierre Joseph TRUFFIN, simple batelier. Un enfant présentement âgé de deux ans environ est né. Scandale… Elle souhaite lui assurer un statut convenable en épousant le père à qui elle est tout à fait prête de céder son titre de maîtresse batelière… Faut garder son rang ! 
    Accordé à condition que le mariage se fasse pour mettre fin au "désordre" !

     


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :