• La rente, son intérêt pour le généalogiste

     Sous l’Ancien Régime, la rente était l'instrument de crédit par excellence*. Elle servait surtout à lever les fonds nécessaires à l’acquisition d’un bien d’une certaine importance. Là s’arrête la comparaison tant les différences sont nombreuses et importantes avec le crédit tel que nous le connaissons.

    - Les précurseurs des banques étaient de simples officines de commerce et de change comme celle créée en 1750 par Mayer Amschel ROTHSCHILD. Celui qui voulait emprunter s’adressait donc à un notaire qui le mettait en relation avec une personne aisée désireuse de se procurer un revenu régulier et pérenne. Si les deux parties étaient d’accord, il rédigeait la constitution ou création de rente.

    Il y a quelques décennies, dans le secret des études, cette pratique perdurait encore en France.

    - Sa particularité la plus caractéristique était que l’emprunteur recevait un capital et versait chaque année une somme fixe. Le taux le plus courant était le denier 20 soit 5% mais il ne s’agissait ni d’intérêts ni du remboursement d’une part du capital mais plutôt d’un loyer. L’expression « loyer de l’argent » n’a d’ailleurs pas disparu de notre vocabulaire.

    - En conséquence, la rente est héritière. Elle se transmettait aux héritiers tant du côté du crédirentier (abrégé en rentier) que de celui du débiteur avec faculté de rachat pour l'éteindre aux conditions généralement précisées dans l'acte de constitution. Elle pouvait ainsi perdurer durant plusieurs générations allant jusqu'à plus de deux siècles et demi si ce n'est plus. Plus rarement, elle est stipulée non remboursable.

    Ce caractère transgénérationnel, un peu comme une dispense de consanguinité, fournit aux généalogistes une solide base à exploiter et à compléter par d'autres actes.

    Lors d'une succession, les rentes figuraient au bilan du défunt, crédirentier ou débirentier. Les héritiers devaient les "reconnaître". Il faut noter que les héritiers pouvaient renoncer à une succession dont le passif était supérieur aux actifs. Un héritier pouvait aussi racheter la part d'un ou plusieurs cohéritiers.

    - Le crédirentier pouvait vendre une rente pour se procurer des liquidités - cas fréquent après une période d’appauvrissement telle le siège d'une ville ou des guerres - ou la donner à ses enfants (plus souvent les filles, les garçons recevant de préférence les terres et les immeubles) en la portant à leur contrat de mariage ou encore la léguer à qui il voulait ...

    - Chaque mutation était signifiée à l’autre partie probablement via le notaire. Le nouvel emprunteur « reconnaissait » alors à qui il était désormais redevable.

    - En sûreté de la rente, des biens tels que terres et/ou bâtiments étaient pris en garantie. Cette clause, forme d’hypothèque, n'empêchait nullement la vente desdits biens, grevant seulement son prix, mais elle obligeait l'acheteur à prendre le relais du vendeur s’il n’avait pas éteint la rente. Il en découle que pour constituer une rente, il fallait déjà posséder quelque bien : "On ne prête qu'aux riches" !

    - Quand la rente restait impayée quelque temps, le crédirentier faisait jouer la garantie. Le plus souvent, ce sont les héritiers du crédirentier négligent ou bienveillant qui mettaient fin au laxisme en réclamant les arriérages.

    Si ceux-ci étaient trop importants, le remboursement exigé devenait impossible, la vente judiciaire « à la criée » (aux enchères) s’imposait. Le débirentier pouvait cependant anticiper en demandant des « lettres de cession misérable », c’est-à-dire abandonner ses biens, se faire déclarer en faillite.

    La rente, son intérêt pour le généalogiste

    Mais l'histoire ne s'arrêtera pas là : les héritiers de feu Gilles FAUVEAU se souviendront du testament de Marguerite ROSIÈRE, leur aïeule. Elle avait légué son jardin auquel elle tenait beaucoup mais elle avait interdit à ses héritiers de le vendre ! Les dernières volontés étant sacrées, la veuve du baron de Bouvignies qui remettait de l'ordre dans les finances n'a pas pu le faire vendre judiciairement...  

    La rente, son intérêt pour le généalogiste

    - Heureusement toutes les rentes ne débouchaient pas sur un procès. On peut alors les suivre dans les cueilloirs de rentes (registres recensant les rentes dues à de gros crédirentiers et servant à leur suivi) et/ou à travers les actes notariés.

     

    Analyser une rente 

     

    La rente étudiée ci-dessous, créée en 1524, objet d'un procès en 1653, couvre une période de 129 années soit a priori environ 4 générations, ce qui se vérifiera.

    La rente, son intérêt pour le généalogiste

     

    La rente, son intérêt pour le généalogiste

    https://www.ochingenealo.fr/les-ochin-du-douaisis/ 

     

    Tri des données

    Trier soigneusement les renseignements sur le crédirentier et sur le débirentier sur deux colonnes pour ne pas s'empêtrer dans les deux lignages.

     

    La rente, son intérêt pour le généalogiste

     

    Exploitation des données

     

    Le contrat de mariage LE LIÈVRE-BONNENUICT fournit les parents... et les grands-pères des mariés.

      La rente, son intérêt pour le généalogiste

    http://www.gennpdc.net/lesforums/lofiversion/index.php/t83518.html

    Du côté de la prêteuse, son legs aux religieuses de l'Abbaye des Pretz rompt toute filiation.

    Quant à la partie emprunteuse, il reste à comprendre quel lien exact existait d'une part entre Adam LE COCQ et Pierre LE LIÈVRE, son héritier, ou Isabeau BONNENUICT et d'autre part entre cette dernière et Jean JOUVENEL par héritage ou cession.

    Un ratissage dans les successions et les ventes passées devant les Auditeurs de la gouvernance de Douai** devrait apporter au moins des éléments de réponse.  

    ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------- * Cf. l'article de Serge DORMARD, professeur d'économie à l'Université de Lille, sur la rente dans Douaisis-Généalogie, la revue du GEGD, association de référence pour le Douaisis.

    ** Cf. le site aux AM de Douai après une sélection, pour faciliter les recherches, dans les remarquables travaux de Jean Claude LAMENDIN publiés par le CEGD.

    Le tabellion de Douai a été mis en place par Louis XIV après ses guerres de conquête dans les années 1660. 

     


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :