• Le généalogiste dont les racines plongent dans la zone frontalière du Nord de la France doit garder à l’esprit qu’il y a un avant et un après Louis XIV. Ses conquêtes territoriales ont entraîné une réorganisation administrative d’une ampleur comparable à celle de la Révolution et qui explique la complexité des fonds d'archives.

    041. Exploiter les actes notariés

    La frontière du Nord en 1668 après la guerre de Dévolution

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_de_la_marine_fran%C3%A7aise_de_Richelieu_%C3%A0_Louis_XIV#mediaviewer/File:Histoire_du_nord_carte_3.png

     Le notariat n’y a pas échappé. Il suffit de rechercher des contrats de mariage pour constater qu’on les trouve d’abord en série E et qu’en remontant le temps, il est plus difficile de les localiser : gouvernance de Douai, échevinage de Bourbourg,… Cependant cette réforme s’est mise en place plus ou moins facilement.

    Nous avons précédemment abordé la richesse des fonds notariés sous l’angle de leur classement aux fins de publication par les organisations généalogiques *.

    Nous insistons ici sur la nécessité de ne pas se contenter de puiser quelques actes au fur et à mesure des besoins mais d’explorer tout le fonds pour rassembler tous les actes relatifs à la famille étudiée. Un acte, comme une photo, renseigne sur un moment précis, tandis que plusieurs actes, tels un film, racontent une histoire.

    À noter que le département du Nord ne dispose pas de registres d’insinuation aux actes ** pour l’Ancien Régime, ce qui oblige à rechercher patiemment l’existence d'un acte parmi les minutes ***.

     

    Il arrive un stade où il ne faut plus compter sur un acte pour apporter une solution « toute cuite » à un problème. Elle ne viendra que de renseignements parfois minimes, patiemment collectés et recoupés jusqu’à constituer une preuve irréfutable à la manière d’un puzzle. La recherche des parents de « Pierre Joseph DESCARPENTRIES, fils de Jean Baptiste en son vivant journalier » qui se marie le 07 janvier 1755 à Orchies en est une preuve éclatante.

    041. Exploiter les actes notariés

    L’étude des témoins au mariage de Pierre Joseph révèle qu’ils appartiennent à la famille de son épouse ou qu’ils n’ont aucun lien apparent avec les époux et celle des parrains et marraines de leurs enfants aboutissent aux mêmes constatations. Une telle configuration doit faire penser à un individu isolé soit orphelin, soit coupé de sa famille, généralement recomposée et originaire d’une autre paroisse. Celle de Landas, située à 5 km, semble le berceau d’un grand nombre de DESCARPENTRIES mais aucun Pierre Joseph, fils de Jean Baptiste, n’y est né vers 1731-1733 voire 1725 ou 1736, date très approximative de sa naissance selon divers actes.

    Par acquit de conscience, il convient cependant de vérifier si Pierre Joseph ne pourrait pas être natif d’Orchies. Par malchance, les registres paroissiaux qui commencent en 1694 présentent une lacune de 1717 à 1736. Leur examen ne fait apparaître aucun couple susceptible d’être les parents de Pierre Joseph : ni naissances, ni décès, ni mariages. Quelques rares DESCARPENTRIES et leurs alliés ne présentent aucun point commun avec lui.

    Parents non identifiés, lieu inconnu, année de naissance approximative quoique l’âge avancé au mariage soit le plus fiable (excepté pour les veufs âgés qui avaient tendance à se « rajeunir »), l’impasse est totale.

    Vingt années passèrent…

    Une vente un peu particulière trouvée par hasard dans le tabellion de Douai a relancé les recherches. Il s’agissait d’un Pierre Joseph DESCARPENTRIES, de Landas, qui vendait un lopin de terre à… un autre Pierre Joseph DESCARPENTRIES, aussi de Landas. Deux ou trois détails insolites retiennent l’attention. D’abord, le vendeur est accompagné de Philippe MOURÉ, son beau-père et une Catherine DESCARPENTRIES a été citée mais son nom a été barré. Ensuite, il est précisé que le vendeur étant mineur, la vente devra être ratifiée à sa majorité. Cette vente du 04 février 1752 se terminait comme prévu par un codicille du 15 septembre 1755 : «  … Led pierre joseph descarpentries presentement majeure de droit demeurant en cette ville (d’Orchies) … ».

    Retour sur Orchies : de 1755 à 1764, Pierre Joseph DESCARPENTRIES « fils de Jean Baptiste » est le seul porteur de ce nom. S’il est bien né en 1733 comme indiqué à son mariage, il est effectivement « mineur d’ans » en 1752 et encore en 1755 puisque la majorité était fixée à 25 ans (voire 30 selon les époques), mais par mariage, il devenait « majeure de droit ».

    La piste MOURÉ offre un boulevard. À Landas, on trouve aisément la famille de Philippe MOURÉ, époux de Marie Jeanne HERBAUX, leur mariage, leur contrat de mariage en 1733, leurs enfants dont Catherine… MOURÉ, marraine du premier enfant de son frère utérin. On trouve aussi le premier mariage de Marie Jeanne avec… Estienne François DESCARPENTRIES, décédé alors que son fils Pierre Joseph était au berceau et le drame de l’été 1748 qui a décimé la famille MOURÉ. On comprend alors le départ de Pierre Joseph vers Orchies pour se construire une nouvelle vie.

    L’énigme résolue, on réalise qu’un indice était passé inaperçu : Catherine MOURÉ aurait dû attirer l’attention et mener sur la bonne piste. Mais sans la vente de 1752-1755, il aurait été impossible de conclure avec certitude que Pierre Joseph était fils de Marie Jeanne HERBAUT.

    Une autre trouvaille dans le fonds de l’échevinage de Bouvignies viendra conforter cette thèse : la difficile succession de Philippe MOURÉ en 1757 qui a nécessité la présence de Pierre Joseph DESCARPENTRIES au conseil de famille pour statuer sur le sort de ses sœurs et frère utérins encore en minorité ****.

    Comme nous le verrons au long de ce blog, il faut dépasser le stade où à chaque interrogation correspond une réponse dans un acte unique. Dans la phase suivante, la réponse est un puzzle où le soin apporté à mettre minutieusement les fiches à jour et - il faut bien le dire - la capacité à mémoriser un dossier assortis d'un minimum de connaissances sur la société d’Ancien Régime favorisent la chance. Difficile ? Sans doute mais tant que la recherche est facile, le résultat est insipide, incolore. Au contraire, quand elle devient complexe et aléatoire, la généalogie laisse place à une passionnante histoire des familles.

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    * 022. Tables, résumés, relevés,... classés chronologiquement ou par nature d’actes ?

    ** http://www.archives82.fr/fileadmin/mediatheque/archives-departementales/documents/Rechercher_consulter/Controle_actes__insinuation_enregistrement.pdf

    *** La minute, appelée ainsi parce qu’elle est écrite en petits caractères, est l’acte original comportant signatures et marques. La copie est la grosse, écrite en caractères plus gros.

    **** « Un tuteur récalcitrant » publié dans Douaisis-Généalogie, n° 47, bulletin du CEGD.

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    Alexis CORDONNIER, généalogiste professionnel spécialisé dans les successions, a travaillé une dizaine d'années à recenser les études notariales du Nord. Son ouvrage, publié par les Archives départementales du Nord, est un outil qui rendra service à ceux qui souhaitent faire le point sur les recherches dans leurs papiers de famille. Espérons que les données déjà recueillies sur le Pas-de-Calais seront à leur tour publiées.

    042. Exploiter les actes notariés

    http://weppesenflandre.skyrock.com/3244872740-Sûrement-et-depuis-longtemps.html

     

     


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  • À partir du début du XVIIIe siècle, quand les actes de mariage filiatifs se raréfient, le premier réflexe est de rechercher un éventuel contrat de mariage. Si oui, le cas le plus favorable est celui de deux primo mariants mais quand l’un des deux contractants est veuf, l’acte renvoie simplement à son précédent mariage. Retour à la case départ en somme.

    Le mariage de Pierre POTEZ et d’Anne BEAURAIN, célébré à Guînes le 20 octobre 1727 entre dans ce cas de figure.

    043. Quand l’acte de mariage n’est pas filiatif…

    Cliquez dans l’image pour l’agrandir.

    Un fouillis de marques et de signatures clôt l’acte. Heureusement, les époux avaient passé contrat de mariage le même jour mais l’acte n’est pas totalement satisfaisant.

    043. Quand l’acte de mariage n’est pas filiatif…

    Si la question est réglée pour Anne, le problème reste entier pour Pierre dont le premier mariage est retrouvé.

    043. Quand l’acte de mariage n’est pas filiatif…

    Aucune trace d’un contrat de mariage. Handicap supplémentaire et très ordinaire : Pierre POTTEZ ne sait même pas écrire son nom, la majorité de ses témoins non plus. Il sera impossible de les identifier ou les localiser par ce biais.

    De plus, Pierre apparaît quelque peu seul au monde : pas de père, pas de mère accompagnant un beau-père et apparemment pas d’oncle ni paternel ni maternel.

    Que faire ?

    Faute de mieux, il reste à s'intéresser aux témoins en commençant par un tri dans l’embrouillamini des signatures et des marques.

    043. Quand l’acte de mariage n’est pas filiatif…

    Certains nous sont inutiles :

    le pasteur et J. TROUILLE qui signe à son côté et qui pourrait bien être le clerc

    le notaire avec « De la Balle » - dont les signatures voisines indiquent assez qu’il a été requis pour servir de témoin « neutre »

    Louis CARLY, Pierre et Marguerite BORIN, témoins d’Anne BEAURAIN

    Jacques MIERLOT, manifestement témoin de Jacqueline DACHUS.

    Nous nous intéresserons donc à :

    Guillaume et Jacques WARNAUT

    Jacques HOCHART qui apparaît deux fois et qui, heureusement, a une signature caractéristique. Certes, il est qualifié de « bonne amy » mais ce sont parfois des cousins éloignés.

    Remarques 

    Nous avons déjà souligné que les personnes présentes au contrat de mariage sont des membres de leur famille liés aux contractants par leurs intérêts présents ou futurs tandis que les témoins à un mariage sont davantage des relations de cœur.

    En principe, la disposition des signatures respecte un protocole, reflet des us et coutumes qui régissaient les hiérarchies sociales, la séparation des sexes lors des cérémonies et offices religieux et le droit qui mettait la femme sous l’autorité de l’homme. Le marié, à qui on tend la plume en premier, signait sur le côté gauche de l’acte tandis que la mariée se plaçait à droite. Parfois, il occupait le centre et elle se mettait alors en-dessous. Les témoins se rangeaient ensuite sous la personne qui justifiait leur présence mais on a pu voir une belle-mère se considérer comme la personne la plus importante ! De même, les parrain et marraine d’un enfant signent chacun « à leur place ». Si le notaire et le curé sont soucieux des formes, on dispose d’une précieuse indication.

    La tradition régissait aussi le choix des parrains et marraines, quoiqu’avec une certaine souplesse. Habituellement, la « liste d’attente » commençait par les futurs grands-parents suivis des oncles et tantes en commençant par les aînés, les frères et sœurs en personne dès l’âge de six ans ou représentés, les neveux et nièces, les cousins et cousines,… à condition que tous ces gens-là soient encore vivants, suffisamment nombreux et n’habitent pas trop loin. Évidemment, les dérogations n’étaient pas exceptionnelles : on honorait un personnage avec lequel on voulait resserrer des liens ou à qui on voulait témoigner une quelconque considération (le curé, par exemple) ou dont on espèrait qu’il favorisera l’enfant (le mayeur). À l’inverse, un seigneur faisait souvent cet honneur à l’un de ses domestiques. Ces cas sont faciles à repérer. Si le parrain ou la marraine étaient inconnus du curé, il ne manquait pas de préciser sa profession, son domicile et le cas échéant sa qualité de bourgeois.

    Nous considérerons aussi les parrains et marraines des enfants de Pierre et d’Anne. Quant à Jacqueline DACHEU, elle n’a pas eu le temps de devenir mère. Nous retiendrons donc

    Adrien SELINGUE et Louise VALLOIS, parrain et marraine du premier enfant,

    Pierre LEROUX parce que nous sommes certains qu’il est de Guînes, mention précieuse quand le nom banal présente un risque de confusion

    et surtout Marie Françoise POTTEZ de Nortkerque probablement tante paternelle de l’enfant baptisé en 1733.

    Gardons nous de courir trop de personnages à la fois, bornons-nous aux plus saillants et ce sera grandement suffisant… dans un premier temps. Et puisque nous sommes sur Guînes, passons donc au peigne fin les actes paroissiaux et notariés, tirons en le maximum, ensuite seulement nous irons à Nortkerque.

    L’acte suivant qui réunit des POTTEL (Passons sur les fantaisies orthographiques…), un Jacques WARNAUT et des LEROUX et ce, une génération plus tôt, ne peut que retenir notre attention :

    043. Quand l’acte de mariage n’est pas filiatif…

    Ce contrat a bien été suivi d’un mariage le dimanche 16 novembre 1692 à Guînes.

    043. Quand l’acte de mariage n’est pas filiatif…

    Les recherches s’orientent alors suivant trois axes :

    la descendance du couple Guillaume POTTEL et Catherine LE ROUX qui devraient être les parents de Pierre,

    Jacques WARNAUT et Catherine POTTEL sa femme qui seraient ses oncle et tante du côté paternel

    et les LEROUX, pour le côté maternel.

    1. La descendance du couple Guillaume POTTEL & Catherine LE ROUX

    043. Quand l’acte de mariage n’est pas filiatif…

    C’est alors le drame : Guillaume POTTEL meurt le 1er février 1711 à Guînes et sa femme le suit dans la tombe deux jours plus tard. Qui va recueillir les orphelins ? Marie Françoise qui approche de ses quinze ans semble avoir été placée comme servante tandis que Pierre, trop jeune, reste à Guînes vraisemblablement chez Jacques WARNAULT, l’oncle par alliance marié à Catherine POTTEL. Quant à la petite Antoinette, on perd sa trace.

     

    Pour ne pas alourdir cet exposé, nous ne mentionnerons pas les multiples vérifications effectuées telles que la date de décès de tous les protagonistes. Nous ne reprendrons pas non plus l’étude des autres membres de cette famille qui n’ont pas intervenu de manière significative dans la vie de Pierre POTTEZ, pas plus que les divers veuvages et remariages ou ventes héritières…

     

    2. Jacques WARNAUT et Catherine POTTEL sa femme

    043. Quand l’acte de mariage n’est pas filiatif…

    Le mariage qui aura lieu le 22 mai à Guînes n’apporte rien de plus.

    La fratrie de Catherine est réunie mais Guillaume POTEL alors âgé de dix-huit ans environ, n'est pas cité en raison de sa minorité. On remarque aussi que – sauf erreur –le père et un oncle paternel de Catherine, deux frères donc, se prénommaient Jean. Le cas n’était pas exceptionnel autrefois. Il s’agissait souvent de frères consanguins ou plus simplement un cadet avait un frère aîné pour parrain et selon la coutume, il portait son prénom. L’écart d’âge suffisait à les différencier pour leur entourage. Dans les actes, le rédacteur sera parfois amené à préciser « l’aîné » ou « le puîné » (étymologiquement : puis né). À noter que les mentions « L’Ancien » ou « Le Vieux », « Le Vieil » et « Le Jeune » servent plutôt à distinguer le père et le fils. Parfois, un sobriquet sera attribué.

    Parmi les enfants de Jacques ou plutôt Jacques Marc WARNAUT et Catherine POTTEL, on trouve effectivement Jacques, Guillaume et surtout Françoise qui épousera Pierre VALLOIS le 26 janvier 1707 à Guînes après contrat de mariage passé chez DENEUFVILLE. Cet acte est une aubaine : elle épouse un « étranger » originaire de Sainte Opportune et l’oncle Guillaume POTTEL et sa femme Catherine LE ROUX sont présents. Ainsi nous sommes assurés de ne confondre cette branche avec aucune autre famille guinoise. Louise VALLOIS, marraine du premier enfant de Pierre POTTEZ et Marie Anne BEAURAIN, est donc à n’en pas douter une de leurs filles. Nous pouvons donc raisonnablement affirmer que nous avons trouvé la famille de Pierre POTTEZ.

    Nous en savons assez pour abandonner les recherches sur les « bonne amys », sur Adrien SELINGUE et même sur les LEROUX, famille maternelle, pour effectuer sans plus tarder une ultime vérification à Nortkerque.

     

    Marie Françoise POTEZ y épouse le 08 février 1724 un veuf chargé de jeunes enfants, ce qui est généralement le lot des filles pauvres et sans famille mais sérieuses, c’est à dire travailleuses et sages. Michel BAILLY, veuf de Anne HOO, est âgé de trente-six ans et Marie Françoise POTEZ, née à Guînes, est âgée de vingt-huit ans, elle est fille de Guillaume POTEZ et de Catherine LA ROCHELLE ( !). Le couple aura cinq enfants nés entre 1725 et 1741. Elle meurt, veuve, en 1759 à Nortkerque, rajeunie de six ans.

     

    3. On remarquera que la mère de Marie Françoise est ici nommée Catherine LA ROCHELLE qui est le sobriquet des LEROUX. Si on n’avait pas pris la précaution de commencer par de vastes recherches sur Guînes où se concentrent les actes, où les renseignements sont les plus nombreux, ce détail nous aurait échappé et aurait retardé sinon compromis le résultat.

    043. Quand l’acte de mariage n’est pas filiatif…

    L’obstacle étant levé, nous pouvons aisément étendre les recherches à tous les membres de cette famille, ce qui apportera des preuves supplémentaires, et remonter le temps essentiellement à travers les actes notariés.

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    Ceci est une reprise d'un article paru dans un bulletin du GGRN.

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    http://www.gennpdc.net/lesforums/index.php?showtopic=78680&hl=POTEZ


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  • Stade 1 : NMD, BMS, contrats de mariage,... Et après ?

    La généalogie est d’abord un loisir ludique. Commencée suivant le principe du jeu des 7 familles, elle finit fatalement en puzzle dont beaucoup de pièces resteront perdues.

    Ceci fait, le généalogiste ordinaire (97 % !!) se démène en tous sens dans l’espoir de grappiller encore quelques générations et de résoudre des cas épineux. Pourtant il aimerait, comme d’autres, remonter davantage… Il rage de constater que des fonds alléchants ne le concernent pas. De là à conclure que d’autres généalogistes sont plus chanceux que lui,…

    Ne pas s’enliser

    Parvenu à ce stade, soit il abandonne, soit définitivement "mordu", il rattache sans cesse de nouveaux personnages à sa collection qui devient tentaculaire, finissant par réaliser la généalogie de tout le village, de tous les porteurs d’un patronyme,... On en voit maints exemples sur GeneaNet et autres sites analogues. Pourtant, à condition d'être recadré et ordonné, c'est un travail utile qui mérite d'être publié.

    On voit aussi des données personnelles du XXe siècle immédiatement reprises par des généanautes qui s’autorisent à les rattacher à l'ami du cousin du frère de… etc… de leur aïeul. Tous les contributeurs n'apprécient pas d'être l'objet de cette récupération tous azimuts qui relève plus du fichage que de la généalogie.

    L’expérience montre que ce n’est pas le meilleur moyen pour compléter sa généalogie mais surtout n'est-ce pas perdre en cours de route la curiosité initiale envers « ceux qui nous ont précédés et qui ont fait de nous ce que nous sommes » ? Certes, chacun fait évoluer son projet à sa guise, il n'en demeure pas moins qu’il est peu rentable de consacrer autant de temps à établir de manière plus ou moins osée que le père de Jean qui vivait au XVe siècle se prénommait aussi Jean sans plus de précisions. Dommage... Il est incontestablement plus gratifiant de rassembler des informations inédites à partager en famille. Quelques exemples entre mille…

    De sympathiques trouvailles

    Un de mes cousins, octogénaire réfractaire à toute intrusion dans le passé familial, a été conquis quand il a su comment une de nos tantes a résolu ses démêlés avec l'Administration des Ponts & Chaussées en faisant démolir à ses frais un escalier sur la berge de la Scarpe que, quelques décennies auparavant, sa mère avait obtenu la permission de construire à ses frais également, affaire dont il avait vaguement eu l'écho dans sa jeunesse (141 J 129 aux AD59).

    La succession d’un cabaretier a révélé qu’il avait entreposé dans sa cour un impressionnant stock de pavés destinés à l’empierrage de la route de Condé vers Bonsecours. Sachant cela, on ne voit plus la chaussée du même œil (tabellion de Condé-sur-l’Escaut).

    044. Serendipité et Maraude

    Pourquoi et comment une lignée s'était-elle brutalement appauvrie au milieu du XVIIIe siècle ? La réponse a été trouvée dans le fonds de l'intendance du Hainaut : un terrible incendie avait ruiné la cense, provoquant la mort du fils de la maison, de plusieurs vaches et de quatre chevaux (équivalents de quatre tracteurs), obligeant le censier à solliciter une aide afin de poursuivre son bail (C 6613 aux AD59).

    Une amie a découvert que la jeune sœur d’une de ses aïeules, agressée en pleine campagne a été sauvée d’un viol certain par… le bourreau de Cambrai ! Brave homme quand même… Le coupable, un homme marié, a répondu de ses actes devant le juge de l’officialité de Cambrai (Cumulus RDC 020/23 aux AD59).

    Un de mes « cousins » a réalisé que le 7 janvier 1785 à 13 h 15 à Guînes, un de ses ancêtres (et de mes apparentés) a eu la stupéfaction de voir tomber du ciel Jean-Pierre BLANCHARD et John JEFFRIES qui venaient de réussir la première traversée de la Manche par les airs (http://www.archivespasdecalais.fr/Activites-culturelles/Un-document-a-l-honneur/La-premiere-traversee-de-la-Manche-par-les-airs).

    044. Serendipité et Maraude

    Auteur inconnu

    Quiconque compte un ancêtre ayant vécu en 1785 à Guînes ou aux environs peut aussi retenir l’évènement qui a dû faire sensation. Certes tout le monde n’a pas la chance de se découvrir un ancêtre, à défaut un collatéral, au détour de l’Histoire quoique… chacun a sa part de fortune et ses déceptions mais les uns ont voulu et su chercher, les autres non : comme au jeu, 100 % des gagnants ont joué !

    Stade 2 : en savoir plus…

    Les obstacles à la poursuite des recherches relèvent principalement de deux causes : une progression trop rapide et trop superficielle ne permettant pas l’acquisition de compétences minimales, de méthodes de travail efficaces et surtout la difficulté à passer d’une exploitation rassurante des actes à une démarche plus aléatoire.

    En effet, les travaux impulsés par les associations et le recours aux bons offices des forumeurs expérimentés aident incontestablement mais n’incitent pas à décrypter les écritures anciennes ni à déjouer les pièges de la syntaxe et les subtilités du vocabulaire. Nous avons ainsi vu une dame fréquenter assidument les Archives départementales du Nord pour se confectionner un arbre généalogique fort honorable sans jamais avoir consulté un original ! D’autres se font leur ripopée en toute discrétion derrière leur ordinateur.

    Erreur classique des débutants : on se réfère à l’original mais on se contente d’extraire de quoi remplir les cases du logiciel pour les seuls aïeux et on laisse tomber le reste. Aux premières difficultés, on pallie avec les actes notariés sans, partie généalogique exceptée, trop se soucier du contenu - trop long, trop compliqué - redoublant ainsi l’erreur. Et on passe au suivant.

    Mais comment approfondir la connaissance d’un individu, détecter de nouvelles pistes si on a délibérément ignoré le but de ces actes notariés et les éventuels codicilles qui apportent parfois de singuliers développements ?

    Un notaire a ainsi acté au bas d’un contrat de mariage que l’époux a demandé à le réexaminer. Il espérait y trouver une disposition prévoyant que son épouse, fraîchement veuve et qui n’avait pas attendu la fin du délai de viduité, pourrait être enceinte d’un enfant posthume. Il s’ensuivra sept années de tractations pour parvenir à un laborieux accord avec la famille du défunt qui se serait bien passée d’une héritière inattendue (J 1474/54 n° 129 aux AD59).

    Une mère célibataire, probablement à l’issue d’un procès, transige avec le géniteur de son enfant sur le dédommagement qu’il lui versera pour « défloration, frais de couches et dot ». Mais trois mois plus tard, les fonds seront retirés chez le notaire par… son mari. Même dévalorisée, une fille qui a des sous trouve un coureur de dot (tabellion de Douai).

    Plus amusant est le contrat de mariage d’un jeune homme à qui le notaire va d’abord donner du « LE COMTE » puis, après énumération des biens et consignation de clauses diverses, il conclura ironiquement par un « LE CONTE ». Quelques jours plus tard, le mariage consommé puis la dot versée par le père de son épouse, il ira la percevoir chez le notaire qui l’accueillera d’un très sérieux « LE COMPTE » (tabellion de Douai).

    Aller au-delà des actes de base nécessite donc, tel les princes de Serendip, de s’attacher au moindre détail pour cibler de nouvelles séries à explorer. Il faudra changer d'approche, remettre en cause des pratiques trop rudimentaires, accepter de dépouiller un fonds et de rester bredouille, se contenter d'un faisceau d'indices, admettre qu'un travail reste - longtemps - inachevé en attendant de mettre la main sur "la" preuve, le tout sans garantie de succès mais quelques bonnes surprises sont toujours au rendez-vous.

    … sur les individus lambda

    Tout aïeul est né, s’est dans la plupart des cas marié et souvent plusieurs fois et il est mort, laissant des traces certaines et relativement faciles à trouver et à exploiter mais ensuite, il est plus difficile à cerner. Pourtant il a probablement loué un terrain, acheté un bien même modeste, emprunté pour le payer ou pour régler des dettes criantes, des impôts, hérité,.. Il a cultivé une terre à la suite de son père ou de son beau-père. On effectuera donc des battues systématiques dans les séries concernées pour y marauder des actes.

    "Cherchez à qui appartient la terre !", c’est le conseil que Catherine DHÉRENT, archiviste, donnait aux généalogistes parvenus au terme de cette première étape.

    Remarquons au passage que les généalogies les plus anciennes ne reposaient pas sur des actes paroissiaux mais sur la transmission de possessions donnant droit à des titres représentés symboliquement sur des armoiries qui ne servaient pas à "faire joli" mais à identifier son propriétaire. On tenait une seigneurie d'un père, d'une mère, on appartenait à la maison de..., un ancêtre valeureux avait obtenu un fief en récompense, conclu un mariage avantageux,... c'est ainsi qu'on justifiait de ses droits. La dévolution d'une rente héritière - garantie sur un bien, faut-il le rappeler ? - procédait du même mécanisme.

    Les actes notariés traitant de l'occupation, de l'acquisition, de la vente et de la transmission de terres – avec une attention toute particulière sur le retrait par proxime –devront être systématiquement recherchés. Il en sera de même des rentes à commencer par leur constitution et qu'il faudra ensuite s'efforcer de suivre. On retiendra encore les titres cléricaux ou presbytéraux qui impliquent des garanties financières apportées par la famille.

    Une bonne part des actes d'échevinage apportent les mêmes renseignements et bien plus encore. On complète avec les terriers et dénombrement de fiefs, les cueilloirs de rentes, les fonds de l’Intendance,…

    Dans notre région, la terre appartenant pour environ 40 % à de riches établissements religieux, les séries G et H qui leur sont réservées sont à consulter en priorité. Mais pour les seigneuries, les archives, restées privées ou perdues notamment sous la Révolution, sont malheureusement plus rares.

    Les diverses circonscriptions administratives et religieuses d'Ancien Régime étant particulièrement complexes sans compter les enclaves, tous ces documents seront parfois trouvés dans des fonds auxquels on ne songerait pas de prime abord : le chapitre de Saint-Amé de Douai possédait la cense de La Prévôté en Anhiers et deux autres dans le Cambrésis et l'Armentiérois tandis qu'un des censiers de Waziers exploitait une ferme appartenant au Chapitre de Sainte-Croix d'Arras !

    Les litiges portant sur des questions d'intérêt étant particulièrement âpres et fréquents, les fonds judiciaires ne sont pas à négliger.

    Parfois on aura l’heureuse surprise de rencontrer une vieille connaissance qu’on ne s’attendait pas à rencontrer là.

    … sur les petits notables

    Certains individus ont joué un rôle au sein de leur communauté : échevins, mayeurs, sergents, baillis, etc… On cherchera à savoir comment ils y parvenaient, combien de temps et comment ils ont rempli leurs fonctions.

    Un échevin de Jemappes s’est ainsi occupé des décennies durant des intérêts des mineurs : remariage des veufs chargés d’enfants, fourmortures et comptes de tutelle des orphelins, autorisation de vente de biens leur appartenant, mise hors de pain ou émancipations,…

    Un sergent de Vred coursait dès le matin des chevaux, poulains et autres bestiaux qui pâturaient dans le marais pour les mettre en fourrière et coller une amende aux propriétaires, ce qui lui a certainement valu quelques solides inimitiés.

    La matrone, témoin privilégié des craintes, joies et déceptions tournant autour de la grossesse et de l’accouchement, était impuissante à sauver mère et enfant à la moindre complication. Confrontée aux désordres intimes, elle était l’auxiliaire du curé et de l’échevinage pour faire avouer les filles célibataires ou veuves afin que le contrôle des mœurs soit assuré ou pour évacuer discrètement un nouveau-né indésirable et sauvegarder la réputation de sa génitrice.

    Le maître batelier de la Navigation de Condé, fortement ancré à sa corporation, placé sous l’autorité directe de l’Intendant de Justice, Police et Finances du Hainaut, devait outre négocier avec lui, faire face aux aléas de ses voyages parfois épiques, aux exigences des marchands, au bon fonctionnement de la corporation et à la solidarité ente ses membres.

    On a quelque chance de constater que le mayeur a eu à traiter des affaires de la communauté, du sort des pauvres et des orphelins, à dresser l’assiette des impositions, satisfaire aux ordres du seigneur local et du pouvoir central,… et certainement à régler des litiges, parfois affronter la contestation de ses administrés,…

    Insulté publiquement, le mayeur de Masny, soutenu par le cabaretier et plusieurs témoins ou échevins, n’a pas hésité à porter plainte contre son diffamateur.

    Sur fond de conséquences des guerres, un mayeur de Waziers a été en butte des villageois et de quelques échevins mais plus encore d’une partie de sa famille et traduit en justice pour « folles dépenses de cabaret », lui qui, plein de bonne volonté, « ne vouloit point de proces ».

    … sur le cadre et le mode de vie

    Il faudra s'imprégner des modes de vie de ses aïeux, de leur rapport aux biens matériels, à la terre et à la maison familiales, à leurs stratégies matrimoniales, aux réseaux professionnels et sociaux, aux axes commerciaux et de déplacements, aux configurations particulières de certains villages, aux coutumes locales... Un solide sens de l'observation et quelques bons ouvrages sont alors d'une grande aide.

    On s’intéressera aux traditions locales qui rythmaient la vie des ancêtres et pour évoquer leur quotidien et leur environnement à travers objets et peintures, on visitera les musées régionaux. À celui de la verrerie de Sars-Poterie, on mesurera tout le savoir-faire de pauvres ouvriers qui profitaient des pauses pour réaliser des bibelots ou « bousillés », petites prouesses techniques, naïves et malicieuses, qu’ils offraient à leur compagne pour décorer leur maison et que les descendants conservaient précieusement en souvenir.

    044. Serendipité et Maraude

    http://www.musenor.com/nl/Outils/Archives/Actualites-passees/Les-bousilles-l-art-du-detournement-les-creations-des-verriers-de-Sars-Poteries

    http://www.tourisme-nordpasdecalais.fr/une-campagne-authentique/a-la-campagne-en-avesnois/artisanat-art-et-savoir-faire/les-bousilles-un-art-populaire-peu-connu

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Mus%C3%A9e_du_verre_de_Sars-Poteries

    http://museeduverre.lenord.fr/fr/Accueil/Mus%C3%A9e.aspx

    Les fabriques de faïences ne manquaient pas dans le Nord Pas-de-Calais : Lille, Saint-Omer, Saint-Amand-les-Eaux, Desvres, Hesdin, Vron, Onnaing, Sorrus, Douai, Englefontaine, Ferrière, Aire sur la Lys, Boulogne-sur-Mer, Bailleul,… il en subsiste des objets raffinés ou humbles analogues à ceux qui étaient utilisés au quotidien.

    044. Serendipité et Maraude

    Bol – Faïence rustique d’Aire sur la Lys (ou Saint-Omer).

    Tant d’autres aspects de la vie locale méritent d’être redécouverts : l’industrie du textile, le riche patrimoine minier classé au patrimoine de l’humanité, la culture de l’ail fumé d’Arleux, etc…

    Plus modestement, on peut se passionner pour les mairies, les églises, les bénitiers, fonts baptismaux et la statuaire pourvu qu’ils aient été contemporains de nos aïeux. Parfois, on aura le bonheur de rencontrer la trace de l’un d’eux…

    D’événement en monument, de tracas en incident, d’anecdote en objet de la vie quotidienne, par touches successives, c’est finalement toute la société d’autrefois qui défile à la fois semblable à la nôtre et tellement différente. Outre le cadre de vie de nos prédécesseurs, elle nous aide à mieux comprendre leur mentalité.

    On s’écarte de la généalogie ? Mais à quoi bon alors consacrer autant de temps à « ressusciter » un listing si c’est uniquement pour le revendiquer comme sien ? 

    … sur des événements exceptionnels

    Certains individus ont vécu des événements inattendus ou marquants, voire y ont participé activement. On mentionnera pour mémoire les épidémies de choléra de 1832 à 1866, les luttes de la classe ouvrière dont les révoltes d’Anzin dès 1833, la fusillade de Fourmies le 1er mai 1891, origine de la Fête du Travail, la catastrophe minière de Courrières en 1906, la guerre 1914-1918 et la grippe espagnole, les dommages de guerre,…

    Certaines périodes troublées méritent un approfondissement. La période révolutionnaire est à explorer par principe pour savoir comment le village ou la commune a traversé cette tourmente, quel retentissement elle a eu sur sa situation. Juste pour l’exemple, parmi mes seuls aïeux directs, j’ai trouvé trace de huit d’entre eux : un ménager qui a pu acquérir avec son beau-frère un terrain lors d’une vente à l’encan ; un batelier dont le bateau réquisitionné lui a été rendu en piteux état ; une batelière qui s’est associée avec d’autres pour constituer un pot commun afin de payer un soldat remplaçant au cas où leurs fils seraient victimes d’un fâcheux tirage au sort ; toute une famille qui s’est rebellée contre les gendarmes venus chercher leur fils et frère, soldat réfractaire ; le garde-chasse d’un duc devenu braconnier ; une paysanne et sa fille suspectées d’intelligence avec l’ennemi par des édiles paranoïaques et un éméché qui n’a pas craint de clamer aux nouveaux maîtres tout le mal qu’il pensait d’eux, le tout sans compter les mésaventures de leur proche parenté durant cette période ou peu après. C’est dire combien la Révolution a été fertile en incidents et en événements touchant une large fraction de la population.

    Mais où et comment trouver cela ?

    Hormis les musées et lieux de mémoire, ou on a la possibilité de fréquenter les sites d'archives ou on ne l'a pas ! Les premiers ont de riches perspectives, les seconds aussi mais ils dépendent des autres plus ou moins partageurs et du rythme de leurs travaux.

    Recherche directement dans les divers dépôts d'archives

    C'est évidemment l'idéal puisqu'on n'est jamais si bien servi que par soi-même !

    Désormais, il ne faudra plus trop compter sur les documents mis en ligne par les Archives départementales ou municipales. Mais presque toutes les autres séries consultables dans ces dépôts sont susceptibles d’apporter leur lot de surprises. Le Gildas BERNARD *, « Bible » des généalogistes, reste l’ouvrage de référence pour orienter ceux qui s’engagent à travers le dédale des fonds d’archives.

    Les recherches deviennent plus complexes, plus aléatoires mais aussi incomparablement plus intéressantes à travers des documents plus variés, significativement plus riches et plus en phase avec l'Histoire. Ceci est tellement vrai que, parvenus au XVIIe siècle, de nombreux généalogistes reviennent au XIXe siècle pour des approfondissements !

    « Mais moi, je n’ai pas fait d’études ! » se récrieront de nombreux généalogistes. Ne vous sous estimez pas ! Si obtenir des diplômes nécessite un minimum d’intelligence (quoique décerner le baccalauréat à 80% d’une classe d’âge alors que 50% des individus ont par définition un Quotient Intellectuel inférieur à la moyenne laisse rêveur…), l’absence de diplômes universitaires ne constitue en rien une preuve de débilité mentale. Nous avons, entre autres, connu une généalogiste que son institutrice avait refusé de présenter à l’examen d’entrée en 6ème, la jugeant trop faible, mais qui avait fini par travailler sur des documents du XVIe siècle, ce qui n’est pas à la portée de tout le monde. Nous avons aussi vu une universitaire mal à l’aise face à un document de la fin du XVIIIe siècle. Aucun jugement de valeur, juste le constat des effets de la spécialisation pour l’une comme pour l’autre.

    Recherche dans les publications et bulletins généalogiques

    Allant dans un premier temps – celui du papier-crayon sans aide aucune – au plus urgent, les associations avaient entrepris de dresser des tables de mariages religieux d'Ancien Régime puis de baptêmes et de décès. Ces travaux, aujourd'hui quelque peu dépassés, restent cependant extrêmement utiles pour les villes comportant plusieurs paroisses et quand les registres sont difficiles à exploiter en raison de l'écriture rébarbative ou du mauvais état des registres. Pour mieux satisfaire leurs adhérents, elles ont ensuite jugé préférable de résumer ces actes. Parallèlement, elles ont commencé le dépouillement des tabellions. Œuvre de très longue haleine pour le tabellion de Lille et de sa châtellenie. Certaines s'attaquent déjà aux rentes, aux terriers...

    Toutes ces associations entendent fort bien les doléances de ceux qui aimeraient que tout soit déjà disponible... gratuitement, bien entendu. Tout d’abord, il faut reconnaître que la grande majorité des renseignements glanés sur Internet ont été puisés dans leurs publications. Ensuite, il faut réaliser que les Archives départementales du Nord sont le second plus important dépôt de France, ce qui montre assez l’immensité de la tâche restant à accomplir. Enfin, elles ne peuvent proposer que les travaux réalisés selon leurs centres d'intérêt par leurs bénévoles qui les mettent gracieusement à disposition des associations pour qu'elles puissent vivre du produit des ventes et des cotisations. Surtout, elles jouent un grand rôle d'animation : détecter les bons chercheurs, les motiver, les encourager, les aider, trouver des personnes qui veuillent bien se charger de relire, mettre en page, unifier la présentation, etc... et pour les gros travaux, impulser le projet, rassembler et coordonner des volontaires qui se concerteront et se partageront la tâche... Le généalogiste étant un individu plutôt solitaire et indépendant, ils font trop souvent défaut, se découragent, abandonnent... Le travail est long : il a fallu sept ans pour traduire et analyser le tabellion d'Hondschoote, pourtant relativement modeste à raison de quatre à cinq après-midis par semaine... sans aucun défraiement pour les déplacements !

    Ceux qui ont la chance d'habiter près de la permanence d'une association peuvent aller y consulter non seulement toutes les publications de cette association mais aussi celles des autres du même secteur. Elles échangent leurs bulletins mais, les fonds n’étant pas équivalents, elles s’achètent mutuellement leurs publications.

    Quant à ceux qui n'ont même pas cette possibilité, il leur reste à exposer leur problème à l'association et à demander quels sont les travaux susceptibles de leur convenir. Une publication juste pour un couple d'ancêtres ? C'est oublier que pour une génération donnée, plus on remonte dans le temps, plus on compte d'aïeux et compte tenu de leurs stratégies matrimoniales et sociales, on a de bonnes chances au fur et à mesure des avancées d'en trouver de nouveaux ou retrouver d'autres que l'on ne s'attendait pas à trouver là. Une publication s'épuise rarement en une fois, on y revient souvent.

    Un bon truc

    Si on ne peut pas se déplacer jusqu’au dépôt d’archives et si on ne veut pas y consacrer ses vacances, on peut devenir bénévole. Il suffit de se rapprocher d’une association qui saura aider à sélectionner un fonds pas encore dépouillé, susceptible de répondre aux attentes et de correspondre au niveau de compétences. Elle l’enverra numérisé sous forme de CD contre engagement à réaliser le travail aux fins de publication et à ne pas diffuser les images. Si la parole a été tenue, l’expérience pourra se renouveler… Et les associations savent être reconnaissantes envers leurs contributeurs… Donnez et vous recevrez !

    Cf. Genealo

    Recherche sur Internet

    On aura commencé à comprendre que désormais, c’est « Aide-toi d’abord toi-même ! » et qu’Internet, incomparable pour se documenter, ne saurait répondre aux besoins les plus pointus des généalogistes.

    En tapant à tout hasard le patronyme « BONNENUICT », je suis tombée sur un site néerlandais qui m’a fait comprendre pourquoi l’imprimeur Jérôme COMMELIN et Judes BONNENUICT, son gendre, riches bourgeois douaisiens ont été décapités à l’épée (honneur dont ils se seraient passés) vers le mois d’avril 1568 à Bruxelles après comparution devant le tribunal du terrible duc d’ALBE. Une de leurs proches parentes, veuve d’un prédicateur, s’était remariée à Genève avec Antoine CALVIN, propre frère de Jean CALVIN, le réformateur !

    http://www.commelin.nl/genealogy/histories/de_boekverkopers_commelin.htm

    Avec le traducteur de Google et un peu d’anglais, d’allemand et de flamand, on parvient à comprendre…

    Sur Internet, les généalogistes n’y trouvent que ce que les dépôts d’archives mettent en ligne, c’est-à-dire une très faible partie de leurs fonds (les BMS qui n’ont pas été microfilmés par les Mormons ne s’y trouvent pas !), des extraits des travaux diffusés par les associations généalogiques et des renseignements issus des travaux personnels de quelques généalogistes aussi sérieux qu’aguerris mais toujours ponctuels et incomplets. Pourtant un adage dit que si un acte donne une « photo », trois actes constituent un « film ».

    Désormais, il ne faudra donc plus trop compter sur les sites contributifs dont les auteurs, qui ne fournissent qu'exceptionnellement leurs sources, se contredisent souvent. Il en est même qui émaillent volontairement leur arbre d'erreurs pour repérer les copieurs et jouir de détenir seuls la vérité... On s'amuse comme on peut...

    On rencontre cependant sur le Web des généalogistes parfaitement sérieux. On les reconnait aux fratries toujours très complètes, à la précision des indications, à la rareté des coquilles et erreurs, à la mention des sources et à la prudence des déductions, et enfin à l’absence de fascination pour les lignées aussi interminables que ronflantes. Ils ne refusent pas leur aide pour dénicher le renseignement introuvable, glisser un conseil, discuter sur un cas difficile, remettre l’égaré dans le droit chemin mais ils ne se substitueront jamais à ceux qui comptent un peu trop sur les bonnes poires… estimant que chercher est un plaisir et trouver, une récompense dont ils se gardent bien de priver les quémandeurs.

    Ils sont aussi conscients – contrairement à ceux qui « donnent », généreusement croient-ils, les travaux... des autres au motif qu'ils en ont acheté un exemplaire… mais pas le droit à la propriété intellectuelle ! - qu'il faut veiller à ne pas "tuer" les associations et par conséquent compromettre de futurs travaux alors qu'il reste encore tant à faire.

    In fine

    Dépôt d’archives, recours à une association ou à Internet, le généalogiste n’y trouvera réellement profit que si, à la fois besogneux méthodique et renard en maraude, il a su se constituer une base de qualité, complète et bien renseignée, qui lui permettra au fil de ses ratissages de reconnaître sans coup férir l’acte qui, tel une pièce de puzzle, complétera ou valorisera ses travaux.

    On ne trouve pas toujours ce qu’on cherche… mais on trouve souvent ce qu’on ne cherche pas ! Le meilleur est à venir.

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    * > 025. Petite bibliographie : les utilitaires

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