• Témoins, parrains & marraines : choisir, être choisi(e)

     

    Tenter de retracer la vie de ses aïeux passe forcément par les situer dans leur environnement familial, amical, social.

    Nous savons que la présence des principaux témoins à un mariage obéit à des règles précises. Nous avons vu que "Lorsque l'enfant paraît", le choix des parrains et marraines ne se faisait pas au hasard et qu’en principe, le premier enfant avait pour parrain son grand-père paternel et sa grand-mère maternelle. Pour le second, on alternait : le parrain était son grand-père maternel et sa marraine était sa grand-mère paternelle. Ensuite, on passait aux frères et sœurs des parents suivant les mêmes règles, à commencer par l'aîné des frères du père et l'aînée des sœurs de la mère et ainsi de suite. Si la famille continuait de s'étendre et que tous les frères, beaux-frères, sœurs et belles sœurs avaient été honorés, alors venait le tour des cousins et cousines ou des frères et sœurs du nouveau-né, par ordre de naissance.

    Ainsi si l'un des témoins au mariage porte le même patronyme que le mariant ou la mariante et qu'il apparaît au baptême du premier enfant, il est à n'en pas douter le plus proche parent du père ou de la mère : père, oncle, frère aîné, cousin... Maigre indice, sans doute mais il permet d'avancer ou de conforter une hypothèse, de contribuer à reconstituer la fratrie et de faire avancer les travaux.

    Mais ce schéma théorique s’avère souvent contrecarré par la Grande Faucheuse et des considérations sociales. Il est donc valable surtout pour les couples parentaux qui ont rang d’aînés et nettement moins pour les "bâtons de vieillesse". II importe néanmoins de connaître les usages pour se glisser en somme dans la peau de nos aïeux, comprendre leurs choix et deviner leur comportement. C'est pourquoi il est parfois nécessaire de comparer la descendance d’un(e) cadet(te) et plus encore d’un(e) benjamin(e) à celle de ses aîné(e)s pour y trouver trace des principaux membres de la famille. Mais seules des fratries reconstituées avec soin et rigueur seront riches d'enseignements.

    Il n’en demeure pas moins que l’ordre social semblait plus ou moins respecté. De nos jours encore alors qu’une certaine souplesse est admise, on continue à jaser sur le choix des parents et des parent(e)s se vexent de n’avoir pas été sollicité(e)s. C’est dire l’importance de la question autrefois. Alors quand un proche parent semble avoir été écarté, faut-il conclure qu’une brouille en était la cause ? Parfois, sans doute, mais ces anomalies apparentes peuvent aussi s’expliquer par les circonstances et par le jeu des relations sociales.

    Il peut arriver que le père ou la mère soient au service d'un seigneur qui ne refusera pas d'être le parrain du premier enfant de son serviteur dont il apprécie le travail. Ce peut aussi être une flatteuse relation professionnelle : riche marchand, bourgeois, censier,... Si ce cas se présente après plusieurs naissances, c'est le signe d'une évolution du statut social de la famille.

    À défaut de grand-père, un beau grand-père fait l'affaire, un oncle trop excentré saute son tour, une future ou une nouvelle belle-sœur passe avant les autres en signe de bienvenue,...

    Il n’est pas rare en effet qu’une jeune tante soit marraine et que son compère soit son promis et inversement qu’un oncle à marier épouse peu après sa commère. Le cas ci-dessous, plus inhabituel, montre qu’être choisie comme marraine est non seulement une marque de considération et d’honneur mais aussi un fort signe de bienvenue et d’accueil. C’est bien pour cette raison qu’il est toujours hors de question de faire l’affront de refuser.

    035. Témoins, parrains & marraines : choisir, être choisi(e)

    035. Témoins, parrains & marraines : choisir, être choisi(e)

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    On aura remarqué que ce sont les parrain et marraine qui "imposent" le prénom de l'enfant, le plus souvent, le leur. Quand par exception, cette coutume n'est pas respectée, il n'est pas rare que les parents, qui se perdent parfois dans les prénoms de leur progéniture, finissent par la rétablir au fil du temps, la vue du parrain et de la marraine servant en somme de moyen mnémotechnique mais par erreur en l'occurrence.

    On sait aussi que si deux enfants ont les mêmes parrain et marraine, il est à peu près certain que le premier n'a pas survécu. Mais cette règle ne s’applique pas dans toutes les familles, certaines, plus superstitieuses, y voient un signe de la volonté divine, croient que les cieux n’y étaient pas favorables et craignent que cela porte malheur à l’enfant.

    De même que le cortège nuptial était constitué avec soin pour favoriser d’autres noces entre les jeunes filles et leurs cavaliers, chaque perspective de baptême méritait mûre réflexion. Comme l’Église mettait les liens d’affinité spirituelle sur le même plan que ceux du sang, un veuf ne pouvait épouser sans dispense la marraine d’un de ses enfants, même décédé entre temps ! Avant de créer un couple compère-commère, il fallait éviter tout empêchement à un mariage ultérieur. On sélectionnait donc de préférence deux personnes entre lesquelles toute alliance était a priori exclue : frère et sœur de l’enfant, oncle et nièce, tante et neveu,… mais aussi celles qu’on marierait volontiers le cas échéant : « Pourquoi tu n’en veux pas comme marraine ? Aurais-tu l’intention de l’épouser si je meurs en couches ? ».

    Les familles les plus soudées ne vivaient pas en autarcie ; elles avaient des interactions extra familiales que le généalogiste, focalisé sur ses propres aïeux à tendance à ignorer superbement. Ces liens sont pourtant faciles à mettre en évidence : il suffit de rechercher systématiquement la présence des aïeux dans les actes. On découvrira qui ils côtoyaient, fréquentaient en dehors du cercle familial et qui recherchait leur présence sans oublier que des « amis » sont souvent des parents éloignés au troisième ou quatrième degré voire plus.

    Enfin nos ancêtres, qui avaient leur savoir-vivre, pratiquaient le troc et l’échange de services et de marques d’amitié : tout comme une invitation, une faveur reçue doit être rendue dans un délai décent. Être choisi(e) imposait de rendre la pareille !

    Il est donc éclairant de réaliser un grand tableau familial de type « Excel » : une colonne par couple, les événements en ligne, une case par événement, un trait sur toute la largeur avant de passer à l'année suivante. On comprend qui exactement fait quoi, et où. De plus, ce panorama familial facilite l’évaluation des âges, la détermine de fourchettes pour situer une disparition (décès du grand-père, remariage, mariage loin du berceau,...) et ainsi affiner les recherches. Enfin, ce tableau est d'une grande aide pour la saisie informatique, évitant quelques grosses erreurs générationnelles.

     

    † Guy TASSIN, docteur en histoire, a consacré en juin 1995 un long article de 22 pages sur ce sujet : "Parrains et marraines à Haveluy au XVIIIe siècle" dans la revue VALENTIANA, n° 15.

    Cette question a aussi fait l’objet d’une intéressante discussion sur GenNPdC :

    http://www.gennpdc.net/lesforums/index.php?showtopic=96416&pid=428720&mode=threaded&start=#entry428720

    035. Témoins, parrains & marraines : choisir, être choisi(e)

    Fonts baptismaux de Wierre-Effroy, Pas-de-Calais

    Ministère de la Culture Base Mémoire

    http://www.culture.gouv.fr/public/mistral/memoire_fr?ACTION=RETROUVER_TITLE&FIELD_98=LOCA&VALUE_98=%20Nord-Pas-de-Calais%20&GRP=119&SPEC=1&SYN=1&IMLY=&MAX1=1&MAX2=1&MAX3=50&REQ=%28%28Nord-Pas-de-Calais%29%20%3ALOCA%20%29&DOM=Tous&USRNAME=nobody&USRPWD=4%24%2534P


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