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Il en est de cette mention comme de tant d'autres : à peine lue, négligée, oubliée. Dommage de se priver d'une information au risque de se fourvoyer dans des contresens menant à une impasse évitable ou... à une branche d'un autre arbre.
Loin d'être une redondance, tout dans cette expression réside dans le "et" qui explicite une double appartenance, celle de "fils" et celle d'"héritier". Nous, modestes généalogistes du XXIe siècle, qui vivons pourtant une époque d'évolutions dans tous les domaines, voire de remises en cause inimaginables il y a encore peu, avons tendance à raisonner comme si le passé même lointain était semblable à notre présent. Ainsi, nous savons que des parents ne peuvent déshériter totalement leur(s) enfant(s), tout juste réduire la part et par conséquent tous leurs enfants sont automatiquement héritiers et les testaments ne peuvent modifier la répartition ou l'affectation du patrimoine que dans la limite autorisée par la loi.
Il était loin d'en être ainsi avant la Révolution et le code Napoléon * ou Code civil du 21 mars 1804 (30 ventôse an XII) qui s’inspire partiellement de la coutume de Paris et du droit écrit du Sud de la France. Pour les Nordistes, il est clair que ce sacré bouleversement a fait table rase de leurs us et coutumes pour leur substituer un mixage de ceux de la capitale et ceux de la Corse natale de Napoléon.
Quant aux us et coutumes ancestraux, s’ils variaient peu dans la durée, en revanche, ils pouvaient changer d’une province à l’autre et même d’un village à l’autre. On constate d'ailleurs que rares sont les couples issus de coutumes trop différentes telles celles d'Artois et de Flandre par exemple ou alors les règles sont clairement précisées. C’est pourquoi, dès que l’on aborde le tabellion, il faudrait rechercher la coutume du lieu. Si on est doté de la curiosité minimale que tout bon généalogiste se doit de posséder, si donc on pousse par exemple la lecture des contrats de mariage au-delà de la première demi-page, on constate vite des différences entre ceux du Calaisis et ceux du Valenciennois, entre la Flandre maritime et les riches pâturages de l’Avesnois. Si on pousse la curiosité jusqu’à rechercher les litiges sur les successions, ces différences apparaissent de manière encore plus flagrante. Droit d’aînesse bien tempéré ici, partage égalitaire entre « tant les enfans masles que femelles » ailleurs. Avantage pour le dernier enfant ** là mais pas reconnu quelques villages plus loin...
Il ne saurait donc être question ici de dresser un tableau comparatif des règles successorales dans tout le Nord de la France et le Sud de l'actuelle Belgique. Il suffira de savoir que les familles avaient une importante marge de liberté pour répartir et affecter leurs biens à leur progéniture.
Il faut d’abord considérer que les successions ne sont qu’une partie d’un tout qui est celui de la propriété, vu davantage du côté du clan familial que de l’individu.
Il faut remarquer que si, de nos jours, la majeure partie de la population est constituée de salariés, autrefois, il s’agissait de possédants le plus souvent modestes et d’ayants droit. Quel manouvrier ne possédait pas un jardinet attenant à sa maison ou n’en jouissait-il pas ? Précisons à ce sujet que les anciens baux ruraux étaient nettement plus favorables à l’occupant qu’actuellement et qu’ils se transmettaient aux héritiers. On considérait à juste titre que celui qui avait travaillé, ensemencé la terre avait droit à la récolte et il était important de ne pas la laisser retourner à l'état sauvage. Les contrats de mariage actent d’ailleurs fréquemment que l’un des contractants bénéficiera, en entier ou partiellement, du bail concédé à son père. Plus compliqué à partager que le solde d'un compte en banque et le produit de la vente d'une maison trop éloignée du lieu de travail.
Le cadre étant esquissé, revenons au titre qui nous occupe. Mentionnons pour mémoire les charges héréditaires et statuts, tel celui de bourgeois, dont pouvaient se prévaloir certains héritiers et qui n’étaient pas sans incidence sur les successions pour passer en revue quelques cas courants. N’oublions pas non plus que la succession ne se calculait pas à partir de l’inventaire des biens du défunt au jour de son décès mais au terme d’une situation économico-familiale ayant évolué sur une longue période avec tous les aléas que cela comporte.
Le pater familias n’avait peut-être pas « tout pouvoir » mais indiscutablement une grande latitude sur la dévolution de ses biens. Son devoir était de maintenir (mains tenir), de préserver et si possible d’augmenter le patrimoine qu’il avait reçu de ses parents (et de ses beaux-parents) et de le transmettre à ses enfants *** dont il calculait volontiers les mariages ou plus simplement les autorisait ou non…
Consentement annexé à un contrat de mariage :
« … Jean boulenger vivant de son bien Demeurant audit Boninghe ; lequel a Reconnu et declaré que pour Le meilleur proffit Et avantage De margueritte Boulenger sa fille dem(euran)te avecq ledit comparant audit Lieu de Boninghe ; elle se Lie par mariage avecq telle personne qu’elle Jugera a propos Et toute fois Et quant elle Jugera convenable pour L’augmentation de son Bien ; pour quoy il Declare Donner son consentement au dit mariage ; ne voulant En aucune maniere que ce soit Y mettre Empeschement, soit qu’elle se marie au village de pihen au gouvernement De calais, ou ailleurs suivant ses Inclinations Et volontés … »
Il ne faut pas s’y tromper, les contractants réels d’un traité de mariage ne sont pas les fiancés primo mariants, qui ne possédaient généralement rien, mais leurs pères et mères qui se délestent au moins en apparence d’une partie de leurs biens pour « établir » leur enfant. Les veufs et veuves disposent de davantage de liberté si toutefois ils n’ont plus de père ou mère encore en vie et ne dépendent pas de tuteurs en présence d’enfant(s) mineur(s). Ceci étant, le mot « traité » n’est pas trop fort parce que le contrat résulte d’une négociation, parfois âpre, entre les familles.
Celui qui a trouvé un bon parti pour sa fille aînée risque fort de devoir s’aligner pour verser une dot considérable qu’il ne pourra peut-être plus verser pour les cadettes surtout si ses forces déclinent ou si ses affaires en viennent à péricliter. Inversement, un aîné chichement pourvu lors de son mariage, sera désavantagé si, son père ayant ensuite réussi ou si la mort fauche quelques cohéritiers, les plus jeunes accéderont à un statut social et financier supérieur au sien. Un fils aîné qui a aidé son père devenu veuf à élever la petite famille, sans leur infliger une nouvelle fratrie avec laquelle partager, et qui a retardé son propre mariage, mérite récompense de ses efforts et sacrifices.
Passons sur les mésententes, les ingrats et ceux qui mènent une vie dissolue, dilapident au point de mettre en péril le patrimoine familial. Ces derniers risquaient une demande de lettre de cachet et un emprisonnement pour les protéger d’eux-mêmes.
"Fils" mais pas "héritiers" : passons aussi sur les enfants illégitimes qui n’ont aucun droit sur la succession de leur père, même s’ils en portent le nom, sauf s’ils ont été légitimés par le mariage de leurs auteurs ou par une procédure volontaire **** du père. Un procès condamnant ledit père à nourrir et entretenir son enfant ne suffit pas à conférer la légitimité à cet enfant. Ainsi les bâtards de l’aristocratie ne figurent sur les arbres généalogiques que s’ils ont été légitimés.
Soucieux généralement d’équité, le père prenait donc des dispositions testamentaires selon le nombre de ses enfants, leurs âges, les écarts d’âge, leur sexe, leur statut de « déjà marié » ou « encore à marier », leur handicap éventuel, les services rendus,... Suivant son propre âge et son état de santé, il se dégarnissait ou il continuait à tenir la haute main sur ses biens : "Moi, vivant,... !". Il tenait d’abord compte des donations déjà consenties « en avancement d’hoirie » ***** et répartissait ses biens en priorité entre ceux envers qui il était encore redevable, le reste faisait souvent l’objet d’équivalences complexes : une somme à reverser à un autre héritier pour rétablir l’équilibre, un jardinet contre une rente, un solde de dot contre l’anneau d’or d’une aïeule… En l’absence de testament, c’est le notaire qui était chargé de contenter tout le monde avec parfois le renfort de membres de la famille et d’amis réputés de bon conseil. Il résulte parfois de ces savants arrangements qu’un héritier ne doive plus prétendre à rien et qu’il ne figure plus dans le partage final… au risque pour le généalogiste perplexe de se demander pourquoi cet individu, appartenant selon toute vraisemblance à une fratrie, n’y paraisse pas rattaché.
Un cas très particulier est celui de la « non représentation ». Les contrats de mariage et les testaments indiquent fréquemment si la représentation est accordée ou si la non représentation est préférée. Ceci signifie que les grands-parents (avérés ou futurs) décident par avance si, en cas de mort de leur enfant marié avec enfant(s), ce(s) dernier(s) aura/auront ou non droit à la part de leur défunt parent.
Ces quelques « pièges » dans l’interprétation des actes notariés ne prétendent pas à l’exhaustivité. Puissent-ils inciter à replacer les écrits dans leur contexte pour en tirer le meilleur parti et surtout mieux comprendre nos aïeux et comment ils résolvaient leurs problèmes familiaux.
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* L'appellation « code napoléonien » désigne, outre le code Napoléon, le Code de procédure civile de 1806, le Code de commerce de 1807, le Code d'instruction criminelle de 1808 et le Code pénal de 1810. Source Wikipédia.
** « droit de maineté » en faveur du « bâton de vieillesse » que les parents pouvaient supprimer par « cassation de maineté ».
*** Pour vendre un bien indivis ou en présence de mineurs, il fallait obtenir une autorisation du mayeur et des échevins qui jugeaient de la nécessité de vendre et du remploi des deniers : subsister en cas de grande misère, donner une formation professionnelle à un enfant ou le faire accéder à un statut religieux, partager des biens de trop petite taille ou trop dispersés, régler des dettes (« lettres de cession misérable » ô combien parlantes).
**** Demande de lettres patentes.
***** hoirie : héritage. À déduire donc de la succession du donateur.
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Le plus beau jour de la vie ? La décision la plus importante, assurément ! Mais prise par qui ? Avec quels critères ?
Les épousailles d'autrefois ne ressemblaient guère à notre moderne mariage romantique. Nos ancêtres n'étaient pas de grands sentimentaux. Ils perdaient rarement de vue leurs intérêts matériels et si on peut rencontrer d'authentiques mariages d'amour, la plupart résultaient de traités entre deux familles ou de la résignation à se marier avec le seul parti qui convienne au village.
Laissons plutôt la parole à H. ASHTON dans « Madame de LA FAYETTE »
"L'amour viendra avec le mariage" affirmait-on en guise de consolation aux mariés désappointés.
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Quand on se donne la peine de relever tous les enfants d'un couple, on ne peut qu'être saisi de compassion pour ces femmes perpétuellement enceintes ou allaitantes, mettant leur vie en jeu à chaque grossesse ou préférant quitter leur époux et refuser, malgré les pressions, de reprendre la vie commune. On comprend alors avec quel soulagement, les mères se soumettaient huit jours après l'heureuse délivrance au rite des relevailles et de la bénédiction religieuse qui marquaient leur retour au sein de la communauté de la paroisse et la reprise de leurs activités habituelles. Ce cérémonial, de nos jours abandonné par l'Église catholique, peut maintenant susciter des sentiments mitigés : valorisation de la fonction maternelle ou humiliation infligée à la femme, éternelle pécheresse, à travers la "purification" ? À chacun son opinion...
Quoi qu'il en soit, sans réel moyen de contraception et malgré les impitoyables pressions économico-sociales, morales et religieuses, des filles sans mari et des veuves mettaient au monde des enfants considérés comme franchement indésirables. Il suffit de songer que, pris au sens littéral du terme, le lavage du linge sale en famille permet une très efficace surveillance gynécologique. Aussi en butte à la réprobation générale, ces femmes pouvaient être tentées par l'avortement voire par l'infanticide. Mais, respect de la vie oblige, tant l'Église que les rois luttaient contre ces pratiques. D'abord, ces femmes devaient déclarer leur grossesse : édit d'Henri II en février 1556, repris par un autre édit d'Henri III en 1585 et par la déclaration de Louis XIV du 26 février 1708 :
"...Toute femme qui se trouvera dûment convaincue d'avoir celé, couvert ou occulté tant sa grossesse que son enfantement sans avoir déclaré l'un ou l'autre et avoir pris de l'un ou l'autre témoignage suffisant même de la vie ou mort de son enfant lors de l'issue de son ventre et qu'après se trouve l'enfant avoir été privé tant du saint sacrement du baptême que sépulture publique et accoutumée, soit telle femme tenue et réputée d'avoir homicidé son enfant et pour réparation punie de mort et dernier supplice ..."
Ces documents sont à rechercher dans les archives judiciaires, en série B des Archives départementales mais rares sont celles parvenues jusqu'à nous. Il se peut d'ailleurs que ces ordonnances aient été peu respectées. Négligence ? Déni de grossesse ? Espoir que la situation s'arrangera ?... Dans notre région du Nord, inutile évidemment de les rechercher avant le rattachement à la France...
Quoique dangereux et pas toujours efficaces, quelques moyens abortifs étaient cependant connus. Au détour d'un acte, une allusion, une suggestion, une réputation révèlent que des secrets honteux circulaient dans les chaumières. Les vieux livres prêtaient des propriétés emménagogues à des plantes. Quelques pieds de rue (ruta graveolens) poussaient discrètement dans les jardins des grands-mères... "On" savait ou "on" croyait savoir les préparer pour "faire revenir les sangs" tellement capricieux...
On espérait aussi « Faire descendre » ou « décrocher » l’embryon ou le fœtus en s’épuisant dans des travaux pénibles tels le port de lourdes charges, en sautant, en faisant du cheval, toutes activités interdites à toutes celles dont la grossesse est précieuse et aux futures mères d’enfants hautement désirés. Ainsi Anne d'Autriche, la très jeune épouse de Louis XIII, s'est vu reprocher des imprudences, causes supposées de ses fausses-couches. Marie de Bourgogne, fille de Charles le Téméraire, a fait une chute de cheval qui a été fatale à son enfant et à elle-même. De nos jours encore, des femmes du Nord proches du terme et impatientes d’accoucher ou craignant mettre au monde un enfant trop gros espèrent en finir plus vite en empruntant les routes pavées si possible sur un tracteur ou dans une vieille voiture à la suspension défaillante.
De l’auto-maltraitance à la maltraitance, le pas était vite franchi : compressions – les corsets n’avaient pas que des visées esthétiques – , coups de pied ou de bâton dans le ventre, … Si le fruit ne voulait toujours pas tomber, il restait à tenter d’aller le chercher : introduction de queues de persil, d’aiguilles,… et leur cortège d’hémorragies, d’infections. Fausses couches, avortements, fibromes, les femmes saignaient, c’était ainsi, personne ne s’en étonnait. Les commères cherchaient seulement à en comprendre la cause par l’observation des pertes et hochaient la tête d’un air entendu. Histoires de femmes, toujours un peu mystérieuses…
Toutes ces pratiques n’étaient pas sans danger et leur incidence sur la mortalité se mesure en comparant celle des femmes célibataires de 15 à 30 ans par rapport à celle des hommes sur la même période. Une différence significative est à mettre sur le compte des avortements.
Quand tout cela avait échoué, il fallait bien se résigner à mettre l’enfant au monde. La lecture des actes de baptême révèle comment ces parturientes étaient traitées : rejetées, menacées d'être privées de soins si elles ne dénonçaient pas le géniteur (qui, de son côté, les dissuadait parfois de "parler") ou du secours de la religion si elles se trouvaient en danger de mort, elles accouchaient en présence d'échevins chargés de recueillir leur déposition. Dans ces conditions, difficile pour elles de s'attacher à leur enfant surtout si sa conception avait été traumatisante.
Dans un tel contexte, il ne faut pas s'étonner si des femmes partent accoucher en secret là où elles ne sont pas connues ou toutes seules sans aide aucune et si la mortalité périnatale de ces petits réprouvés était scandaleusement élevée, nettement plus que celle des premiers-nés légitimes. Ils mouraient généralement le lendemain, au plus tard après une semaine sans que personne s'en émeuve. Il faut bien admettre que leur disparition arrangeait tout le monde.
Il est admis que le taux des naissances illégitimes relevées dans les registres de baptêmes était bon an mal an de 3 % environ sous l'Ancien Régime. Compte tenu de leur mortalité, leur taux de reproduction est nettement inférieur. Si on se fie aux tests génétiques actuellement commercialisés pour ceux qui souhaitent rechercher leurs origines lointaines ou découvrir ou encore vérifier leur parenté avec des contemporains*, il ne serait que de 1 %, ce que des filiations sans équivoque sur 300 à 400 ans tendraient à confirmer. Mais ces tests trouvent aussi des taux variables selon les milieux huppés ou prolétariens de ruptures de filiation masculine. Il serait surprenant que des chercheurs ne se penchent pas sur la question.
Encore fallait-il être suffisamment habile pour ne pas se faire trop remarquer et ne pas outrepasser les limites implicites de la tolérance. Les paysans, fins observateurs de leur cheptel femelle, extrapolaient volontiers leurs connaissances à l’espèce humaine. Ainsi, de nombreux hommes savaient si leur compagne aurait un retard quelques jours plus tard. Ainsi allaient les choses mais quelques rares affaires parvenues en justice lèvent un coin du voile : le dégonflement subit d’un embonpoint pernicieux... suivi de la découverte d’un petit cadavre a immédiatement déclenché une enquête et le suicide, probablement par erreur de dosage, de la maîtresse du curé a confirmé tous les soupçons. On voit aussi un chirurgien miséricordieux peser de toute son autorité pour sauver sa cliente, une fille suspectée.
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* Cf. GenNPdC, François FOUCART, passionné par les tests génétiques appliqués à la généalogie :
http://www.gennpdc.net/lesforums/index.php?showtopic=138339&pid=662533&mode=threaded&start=#entry662533
http://www.gennpdc.net/lesforums/lofiversion/index.php?t138094.html
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« Vred, de nul diocèse … »*
Le généalogiste, sautant les formules habituelles en-tête des actes paroissiaux, ne relève d’ordinaire que les principaux renseignements, enfin, ceux qu’il recherche activement. Mais la première fois qu’il repère dans un acte de mariage la mention d’une dispense de consanguinité, il se renseigne pour obtenir communication de cette pièce. On l’invite à relire l’acte pour savoir quel évêque a, selon le degré de parenté, fait acheminer la demande à Rome ou délivré lui-même la dispense. Si notre collectionneur d’ancêtres les recherche dans le Douaisis, il apprend alors qu’au plan spirituel, cette région dépendait en grande partie du diocèse d’Arras et dans une moindre mesure de celui de Tournai mais que dans les deux cas, les documents ont malheureusement disparu : la série G des Archives départementales du Pas-de-Calais a brûlé au cours de la première guerre mondiale et la quasi-totalité des riches Archives de Tournai a été anéantie en 1940.
Il est donc curieux de trouver dans le fonds de l’évêché de Cambrai quelques dispenses accordées à des habitants de Vred, considéré pourtant comme relevant du diocèse d’Arras. Quelques mentions insolites et autres trouvailles glanées dans les actes reviennent alors à l’esprit, révélant une particularité non seulement de Vred mais aussi de Pecquencourt et plus généralement, donnant une idée de la complexité de l’organisation territoriale et sociale sous l’Ancien Régime.
Vred et Pecquencourt, du ressort de l’abbaye d’Anchin
La présence, dans le fonds de l’abbaye d’Anchin, d’une bulle de « VRBANVS PAPA VIII », en faveur d’un couple désireux de se marier en mars 1639 à Pecquencourt, donne à penser que la dispense avait été demandée non pas auprès de l’évêché mais plutôt de l’abbé d’Anchin (AD59, 1H3693525).
Ce fait, à priori surprenant, résulte d’une situation particulière. En effet, le village de Vred avait été donné en 1079 à l’abbaye d’Anchin par Ansel de RIBEMONT qui le tenait en bénéfice de Gérard II, évêque de Cambrai*. Il en découle que, jusqu’au milieu du XVIIe siècle, ce n’est pas l’évêque mais l’abbé d’Anchin qui nommait les curés de Pecquencourt et de Vred**. Remarquons au passage que cette singularité n’a pas empêché Adrien de MONTIGNY de représenter le village de Vred parmi les possessions du duc dans les fameux « albums de Croÿ ».
Par ailleurs, si la situation l’exigeait, le pape conférait parfois à certains abbés des pouvoirs étendus à titre personnel et non transmissibles à leur successeur. Ainsi Dom CARPENTIER, 30ème abbé de Loos, avait été prié par le cardinal d’Autriche, gouverneur général des Pays-Bas, de porter les ornements épiscopaux (mitre, anneau, crosse et croix pastorale) pour assister le 28 novembre 1598 aux funérailles de Philippe II, roi d’Espagne***.
Tel est aussi le cas de l’abbaye d’Anchin, dont dépendait effectivement la paroisse de Vred, comme on peut le constater à travers le testament de Pierre DOURGE du 11 juin 1727 : « In nomine domini amen Pardevant moÿ Claude francois galland prestre curez de la paroisse de Vred de la juridiction quasi Episcopale d’Anchin ». Recueilli par le curé, ce testament sera remis au notaire pour son exécution (Tabellion de Douai AD59, 2E13/289 (182 ?) n° 37).
En 1749, la paroisse de Vred dépendait toujours de l’abbaye d’Anchin comme l’atteste le mariage le 4 août d’Augustin DESOR et de Marie Noëlle POULAIN « apres La publication faite d’un bans de mariage avec dispense de deux autres bans accordée par monsieur le grand prieur d’anchin » alors que ces dispenses, elles aussi, sont normalement accordées par l’évêché.
Mais la situation va évoluer. En ce milieu du XVIIIème siècle, on s’avisa que Vred était « de nul diocèse » et on le fit dépendre provisoirement de la province ecclésiastique de Cambrai.
Vred, de la province ecclésiastique de Cambrai
Le 8 juin 1754, Jean Baptiste THERY, curé de Pecquencourt, est chargé par « monsieur le reverend official de cambrai juge ecclesiastique de lad. ville et du diocese » de l’enquête en vue d’obtenir une dispense papale du quatrième degré de consanguinité pour Louis Joseph DESOR et Anne Marie LEGRAND tous deux de la paroisse de Vred. Il demande d’abord à Denis DE ROUBAI et Jean François POULAIN, tous deux laboureurs à Vred, d’attester sous serment s’ils connaissent « Les impetrans pour etre de la paroisse de vred de nul diocese de la province de cambrai ». Ils répondent que « Lesd(its) impetrans etoient de lad(ite) paroisse de nul diocese qu’ils sont cependant de la province de cambrai a cause que leur lieu est un endroit exempt enclavé dans un diocese dont l’archeveque de cambrai est metropolitain et que par consequent ils peuvent se dire enclavé dans la juridiction metropolitaine de cambrai » (AD59, 5G466).
Le même jour, le même curé enquête aussi pour Alexis Joseph HUMÉ et Marie Louise PAU, tous deux de Vred également et parents au second degré de consanguinité. On retrouve le témoin Denis DE ROUBAY et évidemment la même formulation (AD59, 5G466).
Le 26 juin 1756, Dieudonné DE SORS et Marie Angélique L’ENGLIN, parents du troisième au quatrième degré effectuent la même démarche. Leurs témoins, Jean François POULAIN et Pierre Paul SENS, attestent « qu’ils connoissent les impetrans pour etre de la paroisse de vred de nul diocese, province de cambrai ». La formulation est simplifiée, les dispenses précédentes ont apparemment fait jurisprudence et il semble que Vred dépende désormais du diocèse de Cambrai (AD59, 5G467 ou 468).
Vred, toujours du ressort de l’abbaye d’Anchin
Pourtant, la situation n’est toujours pas clarifiée puisque le 4 juin 1765, quand Philippe Joseph LEGRAND et Marie Marthe Joseph WASSON se marient à Vred, la dispense du troisième ban est encore accordée par « Dom jerome Boidin grand prieur de L’abbaÿe d’anchin En cette qualité vicaire né de la juridicttion Spirituelle et quasi Episcopale attachée a Ladite abbaÿe ». Le luxe de précisions révèle que le curé continue de s’adresser à l’abbaye qui entend maintenir ses pouvoirs.
C’est encore vers l’officialité de Cambrai que Pierre Philippe LANGLIN, veuf d’Angélique BONET, et Elisabeth LANGLIN tous deux « de La paroisse de vred, de Lieu exempt (juridiction d’anchin) province de Cambray » se tournent les 25 et 26 septembre 1766 pour obtenir dispense de leur troisième au quatrième degré de consanguinité (AD59, 5G471).
Vred, du diocèse d’Arras
Mais pour le mariage de Jean Jacques HUMEZ et Martine Rosalie NUTTE, le 20 juin 1769 à Vred, la même dispense du troisième ban, toujours « accordée par dom jérome boidin grand prieur d’Anchin en datte du dix huit de ce mois et du consentement présumé de m(essieu)rs Les vicaires généraux du diocese d’arras Le Siége Episcopal vacant », nous apprend que la paroisse de Vred, enclavée dans le diocèse d’Arras, lui a finalement été rattachée.
L’attachement de Vred à l’abbaye tutélaire reste cependant ancré dans les esprits comme l’a souligné le curé de Lallaing qui, le 08 janvier 1784, a marié Pierre Joseph MORELLE de « Vred les Anchain » avec Marie Rose Joseph CHUINE, sa paroissienne.
Toutes ces mentions, apparemment secondaires, donnent une idée de la complexité de l’organisation ecclésiastique qu’il importe de connaître et surtout comprendre pour aborder plus efficacement les séries G et H - qui occupent un bon kilomètre de rayon aux Archives départementales du Nord - s’y orienter et éviter de passer à côté de documents insoupçonnés.
Cliquer dans l'image pour l'agrandir.
Cas unique en France, l'archevêque de Cambrai était non seulement juge ecclésiastique qui traitait des affaires religieuses dont celles relatives au mariage et aux bonnes moeurs : dispenses de consanguinité, enlèvements, ruptures de fiançailles, enfants illégitimes, adultères, "divorces", mésententes et maltraitances conjugales et... prêtres indignes mais il était aussi un seigneur détenteur de la haute justice civile à la différence qu'il ne prononçait pas de peine de mort, condamnant cependant, pour les cas les plus graves, aux galères. On y trouvera donc quantité de litiges commerciaux, d'impayés en tout genre, de successions difficiles et autres affaires parfois fort pittoresques dans le ressort du diocèse de Cambrai et en appel pour tout l'archevêché.
Le tribunal de l’abbaye d’Anchin
Comme le laissaient entrevoir les citations, l’abbaye d’Anchin, forte de ses pouvoirs spéciaux, possédait son propre tribunal. Ainsi le 18 juillet 1719 « Dom Jacques Denÿs grand prieur de l’abbaye de Saint-sauveur d’Anchin et en cette qualité officier de la juridiction quasi épiscopale de ladite abbaye » se rend à Pecquencourt pour entendre, en présence de Dom Clément GOSSEAU, Marguerite Joseph FONTAINE, jeune fille à marier de Pecquencourt. Elle est âgée d’une vingtaine d’années, a promis le mariage à Joseph VALEZ et elle est de surcroît enceinte. Mais cette union rencontre des obstacles que l’abbé saura aplanir rondement puisque le mariage aura lieu le 20 juillet 1719 à Pecquencourt (AD59, 1H523 Officialité d’Anchin).
Le mariage de Louis Jacques BLANCHETTE avec Rosalie LEVESQUE, paroissiens de Pecquencourt, était prévu pour 21 novembre 1769, le premier ban publié et une dispense « a cause Du tems Des avents prochains » de deux autres obtenue mais le fiancé déplaît au plus haut point à Lamoral LEVESQUE, bailli général du duc d’York qui n’est autre que l’abbé commendataire de l’abbaye d’Anchin. Il invoque la mésalliance et il soupçonne le prétendant de libertinage, raisons suffisantes à ses yeux pour s’opposer à cette union. Rosalie, âgée de vingt-neuf ans environ, veuve majeure avec enfants de Noël PIEDANA, n’hésitera pas à attaquer son père en justice devant « Dom Jerôme BOIDIN grand prieur et supérieur régulier de l’abbaye de St Sauveur d’Anchin, en cette qualité vicaire général et official né de la juridiction spirituelle et quasi épiscopale de lad abbaye à Pecquencourt, Vred &c … ». L’affaire traînera tout le mois de décembre devant la « chambre de la cour spirituelle de l’abbaye » et se terminera par une facture de frais de justice : « Ainsi fait et taxé par nous official d’Anchin… » (AD59, 1H79 pièce 867 et 1H523 Officialité d’Anchin). C’est donc en présence du vicaire de la paroisse, du chirurgien, du boulanger de l’abbaye et d’un praticien (homme versé dans le Droit) que le mariage sera célébré le 08 janvier 1770 à Pecquencourt « du consentement de leurs parens reciproques ne s’etant trouvé aúcun empechement ». Lamoral LEVESQUE, pas même nommé, n’a cependant pas signé l’acte… (AD59 BMS Pecquencourt 1603-1798, vue 501).
Le cas d’André GOSSEAU, fils de Jacques et de Marie Elisabeth MANIN est d’autant plus grave qu’il avait affaire à forte partie. Il était le promis de Marie Angélique TRACHEZ, sœur de Marie TRACHEZ et surtout de Me Nicolas TRACHEZ, prêtre chapelain demeurant à Marchiennes. Malgré la naissance de Marie Françoise, baptisée le 13 février 1700 à Pecquencourt sous le nom de GOSSEAU, il rompt leurs fiançailles****. Le jugement ne sera prononcé que le 20 février 1712 par l’officialité de Cambrai (AD59, 5G164). André GOSSEAU, devenu avocat, ira se faire oublier à Valenciennes.
Ces trois procès montrent que des affaires matrimoniales peuvent, pour un même lieu, se trouver dans des fonds différents et parfois inattendus. Selon leur importance, elles seront jugées sur place ou délocalisées et la décision rendue rapidement ou au terme d’une longue procédure.
Au-delà du cas particulier de Vred et de Pecquencourt, qui ne donnent qu’un faible aperçu de leur richesse, les fonds religieux recèlent d’autres documents dont le généalogiste aurait bien tort de se priver.
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* Bulletin de la Commission Historique du Nord, tome VIII, 1865.
** ESCALLIER « Histoire de l’abbaye d’Anchin » Lille, 1852.
*** DHENNIN Chantal « Une certaine histoire d’Illies et du pays de Weppes ou La mémoire de l’Écuelle » Michel LOOSEN, éditeur 1995.
**** Pour mémoire, la promesse de mariage, condition souvent nécessaire pour obtenir les faveurs de la demoiselle, constituait aux yeux de l’Église la première étape du mariage. Le curé devait ensuite recueillir le consentement des parents ou tuteurs des impétrants et s'assurer que ces derniers étaient libres et bons catholiques. La publication des bans, nécessaire pour recueillir les empêchements éventuels, concrétisait les fiançailles, officialisant cet engagement ferme qu’on ne pouvait rompre à la légère et sans dédommagements. La cérémonie du mariage n’étant qu’une simple bénédiction nuptiale. L'église ne s'occupait pas des contrats de mariages passés par devant notaire, basses considérations matérielles, valables quarante jours et "si l'Église y consente (au mariage, pas aux dispositions matérielles !)".
Voir aussi :
Jacques DUBOIS « La carte des diocèses de France avant la Révolution » - Annales. Économies Sociétés Civilisations 20e année N° 4 Juillet-Août 1965 pp. 680-691. Bibl. 10214 quater 20 aux AD59.
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* Article déjà publié par le C.E.G.D. dans son bulletin. Quelques modifications mineures et précisions ont été apportées.
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Qu’on compte utiliser ou non les abréviations, il faut quand même savoir décrypter les travaux des autres et faire entrer le maximum d’informations dans des cases trop petites.
http://www.gennpdc.net/lesforums/index.php?showtopic=101976&hl=bigourt
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Aperçu des plus usitées :
AD Archives départementales, suivi du numéro postal du département : AD59
AM Archives municipales, suivi du nom de la commune : AM Douai
encore appelées parfois AC pour Archives communales
NMD Naissances, Mariages, Décès : actes d’état-civil après la Révolution
BMS Baptêmes, Mariages, Sépultures : actes paroissiaux avant la Révolution
° naissance (Touche "Majuscule" + touche "Fermer la parenthèse")
♂ garçon, masculin
fs (filius), fils (de)
♀ fille, féminin
fa (filia), fille (de)
P (majuscule) père
M (majuscule) mère
p (minuscule) parrain
m (minuscule) marraine
CM contrat de mariage
x mariage
xx ou 2x, xxx ou 3x second, deuxième, troisième mariage
test. testament
† décès
ca circa (environ), vers
~ environ
? douteux, non vérifié (à conserver SVP si on recopie !)
! 1600 cité en 1600
/1600 cité avant 1600 (slash placé avant)
1600/ cité après 1600 (slash placé après)
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