• 023. Tables, résumés, relevés,... classés chronologiquement ou par nature d’actes ?

      Des multiples et longues conversations, échanges et discussions avec des généalogistes chevronnés, responsables d'associations et animateurs de forums, il ressort que les besoins des associations et forums ne sont pas exactement les mêmes que ceux de leurs adhérents et clients. Il convient donc d'instaurer une distinction entre leurs propres outils de travail et ceux qu'ils proposent aux généalogistes. Nous examinerons donc la plus ou moins grande utilité - à nos yeux - des travaux pour une généalogie ascendante (remonter l'arbre).

     

    Pour les associations et animateurs

    Les tables alphabétiques de NMD, BMS, CM et testaments & successions, etc... ont été le premier souci des milieux généalogiques alors que tout était à faire. Peu à peu, la nécessité de travaux plus consistants est apparue sans remettre pourtant en cause ces tables maintenant recyclées en bases de données informatiques. Elles permettent d'autant plus facilement de trouver un acte isolé ou une série d'actes précis, de reconstituer une fratrie et de localiser des patronymes qu'elles fusionnent toutes les communes et paroisses du secteur d'activité des associations.

    Pour une utilisation optimale, ces tables devraient être publiées non seulement selon le patronyme du mariant ou du père mais aussi selon celui de la mariante ou de la mère, ce que peu d'associations proposent.

    Cette base de données vise à remettre le généalogiste égaré sur le bon  chemin, lui laissant le plaisir de découvrir et exploiter pleinement le document, quitte à l'aider ensuite en cas de difficultés. Ces organismes n'ont pas vocation à se substituer au généalogiste à qui il appartient de réaliser lui-même sa généalogie.

    L'écueil est qu'elles sont plus complexes à utiliser qu'il n'y paraît en raison de la fantaisie orthographique des clercs, curés et notaires. À leur décharge, il faut convenir que les accents régionaux pouvaient être redoutables et que, jusqu'à l'arrivée des antibiotiques à la fin de la Seconde Guerre mondiale, les otites pouvaient laisser de lourdes séquelles.

    Que de noms à l'orthographe incertaine : DELAPLACE, DELEPLACE, DELPLACE ou DELVAL, DELEVAL, DELAVALLE,... en un, deux ou trois mots ! Les AUVELACQUE, OVELACQUE, OVLACK et HOVELAQUE voire HOFFLAT et leurs multiples variantes au gré des actes sont déjà plus ennuyeux. Il peut même arriver de disposer d'une trentaine d'actes mentionnant une personne avec autant d'orthographes voire de phonétiques différentes rendant impossible une identification correcte !! De plus, les inversions de lettres propres au picart sont fréquentes : FERNAGUE au lieu de FRENAGUE tout comme Bergitte pour Brigitte. On n'y pense pas toujours...

    Que dire des patronymes aux sonorités voisines que le rédacteur a fini par "unifier" de son propre chef ?

    Les erreurs de lecture faussent souvent les tables : pas toujours facile de distinguer BEUTIN de BENTIN par exemple sans compter le mauvais état éventuel du document. Même correctement lu, quelle orthographe convient-il de retenir quand un acte en propose plusieurs ? Il faut savoir que 3 % d'erreurs est considéré comme encore acceptable... Réduire - supprimer est généralement impossible - cette marge exigerait tellement de contrôles que le rythme de parution en serait affecté : le mieux est parfois l'ennemi du bien... Par contre, toutes remarques et corrections proposées par les utilisateurs sont les bienvenues.

    022. Tables, résumés, relevés,... classés chronologiquement ou par nature d’actes ?

    Tables de baptêmes de Jurbise, Belgique – Archives de l’État de Mons.

    Cliquez dans l'image pour l'agrandir

     

    Il faut compter aussi avec la malice des rédacteurs...

    Ainsi, nous avons découvert à Condé-sur-l'Escaut une DAPSENCE devenue l'ABSENTE et un autre DAPSENCE aimablement dénommé L'ABSINTHE tandis qu'un GUERDIN était détourné en GREDIN !

    En zone flamingante, un "LENOIR" peut devenir "DESWARTE" ou "DESWAERTE" et inversement ! Quant aux patronymes commençant par VAN et VANDE ou VANDEN, on peut les retrouver à plusieurs endroits différents plus ou moins amputés de leur préposition et de leur article.

    Alors orthographe normalisée ou copie "bête et disciplinée" de ce que les besogneux méritants ont déchiffré ? Seule certitude : plus on progresse, plus on s'attache à l'authenticité des actes. C'est d'ailleurs l'option retenue par les associations après une période d'hésitation et de tâtonnements.

    Les reconstitutions de famille présentent l'avantage de combiner les tables de B, M et S afin de regrouper, pour une commune ou paroisse, les actes concernant chaque couple : date du mariage, naissance des enfants et leur décès s'il a eu lieu en bas âge. Les mariages et décès des adultes font souvent l'objet de publications séparées mais tout dépend des auteurs. Les variantes des patronymes sont reprises dans un index.

     

    Pour le généalogiste

    Le mieux est incontestablement le relevé.

    L'acte est entièrement lu, tous les éléments, personnages et renseignements, sont relevés justement avec tous les détails et indications de signature ou de marque. Pour les actes notariés, la teneur est résumée, accompagnée de courtes citations le cas échéant. Si besoin est, des notes explicatives sont ajoutées. Au-delà de la généalogie pure, les relevés situent nos aïeux à un moment de leur vie familiale et/ou sociale et la "saveur" de l'acte est restituée.

    Il ne faut pas se laisser impressionner par la compétence incontestable des archivistes mais leurs relevés présentent parfois des lacunes : nous en connaissons qui s'arrêtent aux apports de biens des mariants au risque de négliger les dispositions qui suivent concernant les enfants d'un premier lit, passés ainsi sous silence !

    L'idéal serait de joindre systématiquement la photo des signatures ou actes mais cela augmenterait fortement le coût de la publication et pourrait se heurter aux règles édictées par les services d'archives.

    Les résumés sont des hybrides de tables et de relevés. Se limitant aux renseignements purement généalogiques, ils ne sont guère que des tables filiatives avec mention des parrains, marraines et témoins, parfois complétées de quelques notes. Il est significatif qu'ils se présentent parfois sous la forme d'un tableau Excel.

     

    Actes notariés classés chronologiquement ou par nature ?

    Pour avoir dépouillé tout le tabellion de Condé constitué au XVIIIe siècle par deux notaires, j'ai pu comparer les avantages et les inconvénients des deux options. L'un des notaires se contentait d'empiler chronologiquement ses actes tandis que l'autre s'évertuait à les classer : ventes, baux, contrats de mariage et postnuptiaux, testaments et successions ou partages, conventions mais accords et transactions, obligations, constitution de rente...

    Au début, quand on ne voit dans un contrat de mariage qu'un succédané à un acte de mariage introuvable, on préfère un classement par nature d'actes. Mais dès que la curiosité s'aiguise, on se rend vite compte que les distinctions sont largement superficielles : une vente peut être successorale, un bail révéler une indivision, une convention prévenir un conflit entre héritiers et une transaction mettre fin à une querelle entre eux,...

    On remarque vite que les familles vont fréquenter assidûment leur notaire sur une période assez courte puis ne plus faire parler d'elles pendant un laps de temps qui peut atteindre une génération au terme duquel les actes vont se succéder de nouveau. C'est alors toute la vie de la famille qui se déroule : mort du père, succession, partage, cessions de parts entre frères et soeurs ou échange de lots, mariages des héritiers, emprunt par les plus dynamiques pour développer leur activité,...

    Il faut s'efforcer de rassembler tous les actes concernant une famille qui nous intéresse. C'est ainsi qu'ils prennent tout leur sens et que des situations se dessinent. Ainsi une kyrielle de testaments et de codicilles nous a convaincu qu'une aïeule avait dû être particulièrement tyrannique envers sa fille unique !

    Par ailleurs la patiente lecture systématique d'actes d'échevinage (très proche des actes notariés) reclassés chronologiquement nous a permis de découvrir que l'héritage de deux soeurs avait été vendu aux enchères par les mayeur et échevins à vil prix pour couvrir de prétendues dettes. Or l'abbé de l'abbaye de Marchiennes, qui détenait une créance sur le défunt, s'est étonné du faible montant de la vente qui ne lui permettait pas de rentrer dans ses fonds. Le mayeur fut convoqué et sommé d'expliquer comment, "oublieux de ses devoirs", il avait pu se faire adjuger la maison pour une somme aussi ridicule. Confondu, il fut contraint de remettre la maison en vente sous la surveillance de l'abbé. C'est un autre acheteur qui remporta la vente à un montant largement suffisant pour dédommager l'abbé et pour octroyer un héritage aux deux soeurs !

    Le classement par type d'actes ne facilite pas ces observations.

    Un autre inconvénient de taille est qu'après avoir extrait, au risque d'en oublier lors du tri, - Nous connaissons des vieux travaux qui ont été recommencés (par une autre association) pour cette raison mais qui sont toujours proposés à la vente ! - les contrats de mariage pour une publication, les testaments pour une autre et ainsi de suite pour les partages et les rentes, etc... il reste des ventes, baux et autres actes de toute nature qui n'attirent guère l'acheteur qui passe donc à côté de très précieuses informations susceptibles de relancer des recherches au point mort.

    Ainsi, il est particulièrement instructif d'explorer ce type d'actes pour les périodes succédant aux guerres : ventes ou cessions nécessaires pour faire face à la "cherté des grains" et aux "misères du temps" parfois à des proches moins malchanceux et dans l'espoir de se refaire ensuite. Tous ces actes peuvent expliquer une certaine déchéance sociale, renseigner sur l'origine géographique, aider à remonter le temps via un(e) collatéral(e),... Avis aux associations...

    Mais le plus grave est que ce classement par type d'actes multiplie les manipulations au détriment d'une perte de temps considérable et pire encore, de la conservation de ces précieux documents.

    Relevés chronologiquement, les actes sont donc nettement plus instructifs pour les généalogistes qui trouvent alors un réel intérêt à acquérir ces publications surtout s'ils ne peuvent se déplacer ou s'ils peinent vraiment trop à les déchiffrer.

    Les mêmes remarques peuvent d'ailleurs s'appliquer à la consultation des actes d'état civil et paroissiaux. Année par année ou les mariages puis les naissances et enfin les décès (ordre M,N,D plus logique que N,M,D) ?

    En généalogie descendante, les ratissages sur les patronymes - avec toutes les difficultés que cela implique comme nous l'avons vu - sont primordiaux mais ils ne dispensent pas de fouiller ensuite dans toutes les publications à l'affût du moindre indice.

     

    En conclusion

    Pour mémoire, la règle veut que l'on se conforme au classement du fonds à dépouiller même s'il n'est pas le plus commode, ce que les auteurs de travaux généalogiques devraient respecter. Ainsi toute publication de l'étude condéenne dont les actes sont groupés par nature devrait conserver ce principe mais quand les actes sont - par chance - mélangés, on devrait se garder d'effectuer le moindre tri et, si le fonds est trop important, préférer une publication par périodes (tomes).

    Les tables et leur fusionnement informatique - constamment remis à jour - constituent un formidable outil indispensable aux associations et forums qui y consacrent beaucoup de temps et d'énergie mais le jeu n'en vaut pas la chandelle pour le généalogiste qui a beaucoup mieux à faire que se constituer une gigantesque base trop superficielle qui éloigne insidieusement du projet initial, à savoir suivre de près l'activité associations et des services d'aide généalogiques pour... approfondir la vie de ses ancêtres (Ils le valent bien…) !

     


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