• 042. Exploiter les actes notariés

    Le généalogiste dont les racines plongent dans la zone frontalière du Nord de la France doit garder à l’esprit qu’il y a un avant et un après Louis XIV. Ses conquêtes territoriales ont entraîné une réorganisation administrative d’une ampleur comparable à celle de la Révolution et qui explique la complexité des fonds d'archives.

    041. Exploiter les actes notariés

    La frontière du Nord en 1668 après la guerre de Dévolution

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_de_la_marine_fran%C3%A7aise_de_Richelieu_%C3%A0_Louis_XIV#mediaviewer/File:Histoire_du_nord_carte_3.png

     Le notariat n’y a pas échappé. Il suffit de rechercher des contrats de mariage pour constater qu’on les trouve d’abord en série E et qu’en remontant le temps, il est plus difficile de les localiser : gouvernance de Douai, échevinage de Bourbourg,… Cependant cette réforme s’est mise en place plus ou moins facilement.

    Nous avons précédemment abordé la richesse des fonds notariés sous l’angle de leur classement aux fins de publication par les organisations généalogiques *.

    Nous insistons ici sur la nécessité de ne pas se contenter de puiser quelques actes au fur et à mesure des besoins mais d’explorer tout le fonds pour rassembler tous les actes relatifs à la famille étudiée. Un acte, comme une photo, renseigne sur un moment précis, tandis que plusieurs actes, tels un film, racontent une histoire.

    À noter que le département du Nord ne dispose pas de registres d’insinuation aux actes ** pour l’Ancien Régime, ce qui oblige à rechercher patiemment l’existence d'un acte parmi les minutes ***.

     

    Il arrive un stade où il ne faut plus compter sur un acte pour apporter une solution « toute cuite » à un problème. Elle ne viendra que de renseignements parfois minimes, patiemment collectés et recoupés jusqu’à constituer une preuve irréfutable à la manière d’un puzzle. La recherche des parents de « Pierre Joseph DESCARPENTRIES, fils de Jean Baptiste en son vivant journalier » qui se marie le 07 janvier 1755 à Orchies en est une preuve éclatante.

    041. Exploiter les actes notariés

    L’étude des témoins au mariage de Pierre Joseph révèle qu’ils appartiennent à la famille de son épouse ou qu’ils n’ont aucun lien apparent avec les époux et celle des parrains et marraines de leurs enfants aboutissent aux mêmes constatations. Une telle configuration doit faire penser à un individu isolé soit orphelin, soit coupé de sa famille, généralement recomposée et originaire d’une autre paroisse. Celle de Landas, située à 5 km, semble le berceau d’un grand nombre de DESCARPENTRIES mais aucun Pierre Joseph, fils de Jean Baptiste, n’y est né vers 1731-1733 voire 1725 ou 1736, date très approximative de sa naissance selon divers actes.

    Par acquit de conscience, il convient cependant de vérifier si Pierre Joseph ne pourrait pas être natif d’Orchies. Par malchance, les registres paroissiaux qui commencent en 1694 présentent une lacune de 1717 à 1736. Leur examen ne fait apparaître aucun couple susceptible d’être les parents de Pierre Joseph : ni naissances, ni décès, ni mariages. Quelques rares DESCARPENTRIES et leurs alliés ne présentent aucun point commun avec lui.

    Parents non identifiés, lieu inconnu, année de naissance approximative quoique l’âge avancé au mariage soit le plus fiable (excepté pour les veufs âgés qui avaient tendance à se « rajeunir »), l’impasse est totale.

    Vingt années passèrent…

    Une vente un peu particulière trouvée par hasard dans le tabellion de Douai a relancé les recherches. Il s’agissait d’un Pierre Joseph DESCARPENTRIES, de Landas, qui vendait un lopin de terre à… un autre Pierre Joseph DESCARPENTRIES, aussi de Landas. Deux ou trois détails insolites retiennent l’attention. D’abord, le vendeur est accompagné de Philippe MOURÉ, son beau-père et une Catherine DESCARPENTRIES a été citée mais son nom a été barré. Ensuite, il est précisé que le vendeur étant mineur, la vente devra être ratifiée à sa majorité. Cette vente du 04 février 1752 se terminait comme prévu par un codicille du 15 septembre 1755 : «  … Led pierre joseph descarpentries presentement majeure de droit demeurant en cette ville (d’Orchies) … ».

    Retour sur Orchies : de 1755 à 1764, Pierre Joseph DESCARPENTRIES « fils de Jean Baptiste » est le seul porteur de ce nom. S’il est bien né en 1733 comme indiqué à son mariage, il est effectivement « mineur d’ans » en 1752 et encore en 1755 puisque la majorité était fixée à 25 ans (voire 30 selon les époques), mais par mariage, il devenait « majeure de droit ».

    La piste MOURÉ offre un boulevard. À Landas, on trouve aisément la famille de Philippe MOURÉ, époux de Marie Jeanne HERBAUX, leur mariage, leur contrat de mariage en 1733, leurs enfants dont Catherine… MOURÉ, marraine du premier enfant de son frère utérin. On trouve aussi le premier mariage de Marie Jeanne avec… Estienne François DESCARPENTRIES, décédé alors que son fils Pierre Joseph était au berceau et le drame de l’été 1748 qui a décimé la famille MOURÉ. On comprend alors le départ de Pierre Joseph vers Orchies pour se construire une nouvelle vie.

    L’énigme résolue, on réalise qu’un indice était passé inaperçu : Catherine MOURÉ aurait dû attirer l’attention et mener sur la bonne piste. Mais sans la vente de 1752-1755, il aurait été impossible de conclure avec certitude que Pierre Joseph était fils de Marie Jeanne HERBAUT.

    Une autre trouvaille dans le fonds de l’échevinage de Bouvignies viendra conforter cette thèse : la difficile succession de Philippe MOURÉ en 1757 qui a nécessité la présence de Pierre Joseph DESCARPENTRIES au conseil de famille pour statuer sur le sort de ses sœurs et frère utérins encore en minorité ****.

    Comme nous le verrons au long de ce blog, il faut dépasser le stade où à chaque interrogation correspond une réponse dans un acte unique. Dans la phase suivante, la réponse est un puzzle où le soin apporté à mettre minutieusement les fiches à jour et - il faut bien le dire - la capacité à mémoriser un dossier assortis d'un minimum de connaissances sur la société d’Ancien Régime favorisent la chance. Difficile ? Sans doute mais tant que la recherche est facile, le résultat est insipide, incolore. Au contraire, quand elle devient complexe et aléatoire, la généalogie laisse place à une passionnante histoire des familles.

    ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    * 022. Tables, résumés, relevés,... classés chronologiquement ou par nature d’actes ?

    ** http://www.archives82.fr/fileadmin/mediatheque/archives-departementales/documents/Rechercher_consulter/Controle_actes__insinuation_enregistrement.pdf

    *** La minute, appelée ainsi parce qu’elle est écrite en petits caractères, est l’acte original comportant signatures et marques. La copie est la grosse, écrite en caractères plus gros.

    **** « Un tuteur récalcitrant » publié dans Douaisis-Généalogie, n° 47, bulletin du CEGD.

    ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    Alexis CORDONNIER, généalogiste professionnel spécialisé dans les successions, a travaillé une dizaine d'années à recenser les études notariales du Nord. Son ouvrage, publié par les Archives départementales du Nord, est un outil qui rendra service à ceux qui souhaitent faire le point sur les recherches dans leurs papiers de famille. Espérons que les données déjà recueillies sur le Pas-de-Calais seront à leur tour publiées.

    042. Exploiter les actes notariés

    http://weppesenflandre.skyrock.com/3244872740-Sûrement-et-depuis-longtemps.html

     

     


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :